Ports du Languedoc-Roussillon : …………Des projets qui ignorent la réalité économique

Quel est l’avenir des ports du Languedoc-Roussillon ? Les projets d’extension à Port-la-Nouvelle, Sète ou Port-Vendres ne s’appuient pas sur la réalité. C’est l’activité économique qui fait le port et pas le contraire. Or, celle de notre région, même après la fusion avec Midi-Pyrénées, est trop faible pour justifier un projet pharaonique comme celui du « Grand Port » de Port-la-Nouvelle.

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Malgré de lourds investissements des pouvoirs publics, régionaux et départementaux (1) (500 M€ en dix-quinze ans), la réalité s’impose : les ports du Languedoc-Roussillon ont perdu 20 % de leur trafic en vingt ans.

Il n’y a pas, dans notre région, malgré les projets à Sète ou Port-la-Nouvelle, la place pour un grand port pour plusieurs raisons : nos trois ports sont trop proches les uns des autres, trop nombreux, en eaux peu profondes, ils subissent la concurrence de Marseille et de Barcelone qui mordent sur leur zone économique et qui se sont placés sur le principal marché en développement, celui des conteneurs. Un marché qui suit la logique de la mondialisation, celle de bateaux toujours plus gros et de la concentration des services portuaires sur des sites très importants.

Il y a certainement, pour les ports régionaux, des solutions mais elles sont plus modestes. Rien en tout cas ne justifie d’investir 300, 500, voire 800 M€, d’argent public dans le projet de Grand Port à Port-la-Nouvelle.

Ces constats sont ceux de l’étude économique, technique et environnementale publiée en mars 2016 par Jean-Claude Bisconte de Saint-Julien « Les ports de commerce du Languedoc-Roussillon en crise ».

Jean-Claude Bisconte, universitaire, président de l’association Port-Vendres et les Port-Vendrais, a participé activement à la lutte de cette association contre les incohérences dans la gestion du port de Port-Vendres et avec d’autres associations locales ils ont obtenu l’annulation du projet de 3e quai (voir plus loin).

Une activité fatalement en déclin ?

L’étude de Jean-Claude Bisconte souligne que l’activité des ports de Sète, La Nouvelle et Port-Vendres était en 1995 respectivement de 4 Mt, 3 Mt et 250 000 t, soit au total 7,2 Mt. Elle est passée, en 2015, à 3,4 Mt, 1,5 Mt et 230 000 t, soit au total 5,2 Mt. Ce tonnage régional est très modeste si on le compare à celui des régions voisines : 82 Mt pour Provence-Alpes-Côte d’Azur, 93 Mt pour la Catalogne sud et 22 Mt pour l’Aquitaine. C’est aussi, pour notre région, à peine 1,5 % du total des ports français métropolitains.

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Le port de Sète est le plus polyvalent : vracs, liquides pétroliers, fret roulant, plaisance, pêche, trafic passagers (150 000 voyageurs par an). Mais il a presque complètement perdu son activité de conteneurs et le terminal fruitier, qui a coûté 40 M€, a fermé à la suite du dépôt de bilan de son principal client, l’exportateur israélien Agrexco (voir plus bas à ce sujet la rectification de Port Sud de France).

Port-la-Nouvelle a une activité réduite au sein du port lui-même (0,6 Mt), l’essentiel du volume étant réalisé par le sealine (débouché en mer) pétrolier. La pêche y est en recul, la plaisance marginale, il n’y a pas d’activité passagers ou de croisière et le tonnage des vracs solides a été divisé par trois en vingt ans. Une activité pourrait être liée au futur parc d’éoliennes offshore, mais pas avant 2020 pour quatre éoliennes expérimentales (l’exploitation industrielle pourrait démarrer en 2022) ; ce qui ne justifie pas un projet de port qui semble démesuré.

Port-Vendres a perdu la quasi-totalité de ses activités : la pêche (partie à Port-la-Nouvelle), les lignes de passagers et de rouliers (fermées avant 2010) et la croisière est très réduite, faute de quais adaptés ; il ne lui reste pratiquement que l’importation fruitière, qui se maintient (avec le soutien du financement public) mais aurait du mal à se développer : le marché est étroit et la concurrence élevée ; et la plaisance, menacée par la forte agitation du port lors de tempêtes. Depuis 1995, 200 emplois (sur 300 à l’époque) ont disparu.

Jean-Claude Bisconte explique cette situation ainsi : ces ports sont trop proches et trop nombreux ; la logique actuelle est d’avoir des grands ports séparés d’environ 350 km, comme c’est le cas entre Barcelone et Marseille. Nos ports se concurrencent entre eux sur un petit territoire et ils ont du mal à rivaliser avec ces grands ports où d’importants investissements privés ont été réalisés pour favoriser l’accès des grands navires porte-conteneurs. Les ports de notre région ne peuvent pas s’appuyer sur une région économique prospère ; au contraire, Marseille et Barcelone marchent sur leurs plate-bandes. De plus, la politique mondialisée des transports, en favorisant la route, nuit aux petits ports : avec le marché Saint-Charles et la nouvelle plate-forme de Logis Empordá, près de Figueres, le camion est mieux placé (et le train commence à prendre une part du trafic).

Nos ports sont aussi handicapés par une côte sableuse, peu profonde, qui réduit la possibilité d’aménagement de bassins profonds et le rend très coûteux. Le tirant d’eau maximal admis est actuellement de 13 m à Sète et de 8 m à Port-la-Nouvelle et Port-Vendres. Or, sur le marché en développement, celui des conteneurs, la norme est de 14 m de tirant d’eau pour les dix ans à venir ; mais les navires de 24 m de tirant d’eau prendront vite le dessus.

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Alors, quel avenir ? Par malchance, le Languedoc-Roussillon est la seule région côtière française à ne pas avoir de « grand port maritime » (GPM). Les GPM sont gérés par l’État, avec une vision globale au niveau national et des financements nationaux et européens. « Georges Frêche aurait dû faire le choix de demander le Grand Port Maritime pour Sète », dit J.-C. Bisconte, « mais il a préféré décentraliser. »

Dans ce panorama, le port de Sète plus que les autres a peut-être sa chance. Il pourrait être le site d’un recentrage régional même s’il manque d’espace et a un tirant d’eau insuffisant. Sa situation géographique, plus centrale, et sa proximité de Montpellier, principale zone économique de la région, sont des atouts. Ce recentrage pourrait se faire en partenariat avec les ports de Marseille et Barcelone. Il pourrait s’appuyer sur une activité polyvalente et sur le nouveau quai à conteneurs qui peut accueillir des bateaux de 13,50 m de tirant d’eau… à condition que le projet de Port-la-Nouvelle ne vienne pas le concurrencer.

La Région Languedoc-Roussillon avait, pour ses ports, parié sur le cabotage (Short sea shipping : navigation à courte distance). Ce trafic de redistribution est opéré par de petits bateaux pouvant se satisfaire de faibles profondeurs ; les navires rouliers, qui emportent des camions et leurs conducteurs ou les petits conteneurs, n’ont besoin que de 9 ou 10 m de tirant d’eau. Ce souhait s’est avéré sans suite, vraisemblablement en raison de distances trop faibles pour couvrir le coût de la rupture de charge. En fait, seule Barcelone exploite le cabotage, avec succès, avec l’Italie (donc avec des distances supérieures).

En tout cas, la solution contenue dans le projet « Grand Port » de Port-la-Nouvelle, d’augmenter le tirant d’eau du port, ne peut pas être une réponse satisfaisante, faute d’avoir été anticipée. Ce genre de travaux demande une dizaine d’années pour être réalisé, et pendant ce temps la taille des bateaux ne cesse d’évoluer. De toutes façons, on l’a vu, il ne suffit pas d’agrandir le port de Port-la-Nouvelle pour attirer le trafic.

Port-la-Nouvelle : une extension plus grande qu’annoncé ?

Le projet d’extension du port de Port-la-Nouvelle, à l’initiative de la Région, était lié au départ (2011) à la possible implantation d’une usine d’huile de palme par la multinationale Sime-Darby (originaire de Malaisie). Après l’abandon de ce projet de « très grand port », la Région a repris à son compte le projet d’extension, sur fonds publics. Ce qui a donné lieu à un débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public (décembre 2012 à avril 2013).

Voir les conclusions de la CNDP (portlanouvelle-bilan-cndp) – page 11 – et le Dossier du Maître d’ouvrage (portlanouvelle-dossier-mo) ou sa synthèse (portlanouvelle-synthese-dossier-mo).

Port-la-Nouvelle

Port-la-Nouvelle

Le projet présenté au débat public comprend une zone d’activités portuaires à terre de 100 ha, dont la première tranche est en travaux depuis quelques mois (l’enquête publique a eu lieu au printemps 2015), et, dans un deuxième temps, l’agrandissement des jetées et des bassins. Ce projet (dénommé 3C), tel qu’il a été présenté par la Région (maître d’ouvrage), prévoit 3 000 mètres de digues nouvelles pour accueillir des bateaux de 225 m de long et de 12,50 m de tirant d’eau (« pouvant atteindre, sur certains postes, 14,50 m »). Le tout pour un coût de 310 M€.

Mais, fait remarquer Jean-Claude Bisconte, il y a une anomalie au sujet du tirant d’eau. Il souligne la différence entre hauteur d’eau (la profondeur de la passe) et tirant d’eau (la hauteur de la partie immergée du bateau, qui varie en fonction de la charge). Par sécurité, le tirant d’eau acceptable est inférieur de 10 à 20 % à la hauteur d’eau. Compte tenu des dimensions des jetées présentées dans le projet d’extension du port de Port-la-Nouvelle, l’entrée de la passe se situerait à une profondeur de 13,50 m, ce qui donnerait un tirant d’eau de 10,80 m. On est loin de 14,50 m… à moins que la Région ait un projet non avoué de placer la passe d’entrée plus loin, sur un fond de 17,50 m, comme le signale, selon Jean-Claude Bisconte, un document du cabinet d’étude Egis Eau daté de 2015.

Le coût du projet serait alors bien différent. Il pourrait atteindre 500 M€, chiffre cité en mars 2016 par Bernard Fourcade, président de la Chambre régionale de commerce. Voire 600 à 800 M€ selon une estimation de Jean-Claude Bisconte, du fait de jetées bien plus longues, d’un bassin à creuser plus étendu, de la nécessité d’aménager des quais plus larges pour accueillir les grands porte-conteneurs (puisque l’on parle de 17,50 m de hauteur d’eau, ce qui donne 14 m de tirant d’eau) et des équipements adéquats.

Dans ces conditions, ce projet paraît complètement disproportionné à Jean-Claude Bisconte. Sans s’appuyer sur une étude de marché ni sur une étude d’impact, il coûterait très cher tout en étant déjà dépassé compte tenu du marché et de la concurrence ; en sachant aussi qu’il concurrencerait le port de Sète sur l’activité conteneurs.

Impact négatif sur le trait de côte et risque d’ensablement

Les jetées actuelles du port de La Nouvelle sont à l’origine d’une modification du trait de côte : sous l’effet des courants marins, contrariés par les jetées, la plage s’étend vers le large au sud du port et recule au nord. L’extension du port, estime Jean-Claude Bisconte, avec des jetées plus avancées en mer, ne peut qu’accentuer ce phénomène. Le résultat pourrait être une ouverture plus grande et permanente du grau de la Vieille Nouvelle, avec pour conséquence la perturbation de l’équilibre de l’Étang de l’Ayrolle.

Par ailleurs, le projet d’extension 3C prévoit une passe orientée dans le sens du vent dominant (pour faciliter les manœuvres des bateaux). Avec la faiblesse du fond marin, on peut craindre, lors des tempêtes, la formation de bancs sableux à l’entrée du port. A la nécessité de draguer la passe régulièrement (ce qui représente un coût important) s’ajouterait le risque d’interruption temporaire du trafic.

La montée du niveau de la mer due au réchauffement climatique accentuerait ces deux tendances (érosion du trait de côte et ensablement).

Autant de raisons, économiques et environnementales, qui font dire à J.-C. Bisconte que le site de Port-la-Nouvelle ne convient pas à un port profond.

Mise à jour (18/11/2017) : la Région Occitanie a inauguré, le 17 novembre 2017, la plate-forme Nord de Port-la-Nouvelle (24 ha) et a annoncé que les travaux d’agrandissement du port (partie quais et jetées) débuteraient à l’automne 2018, après l’enquête publique prévue pour début 2018. La Région va investir dans un premier temps 210 M€ sur le port, puis 100 M€ de plus, notamment pour agrandir la plate-forme logistique jusqu’à 80 ha. Il a été confirmé que le port doit accueillir des navires allant jusqu’à 14,50 m de tirant d’eau.

Mise à jour (15/04/2018) : l’enquête d’utilité publique est ouverte du 16 avril au 16 mai. Accéder au dossier.

Port-Vendres : après l’échec du 3e quai, un plan B

Prospère à l’époque coloniale du fait de sa proximité avec l’Afrique du Nord, le port de Port-Vendres n’a plus qu’une activité principale fragile, celle de l’importation de fruits tropicaux (notamment bananes, par la Compagnie Fruitière) et de légumes (tomates du Maroc). Il est aujourd’hui inadapté parce que trop petit, pas assez profond, sans connexion ferroviaire ou fluviale, éloigné des centres de consommation du nord de l’Europe. Il est aussi handicapé par sa situation au cœur de la ville de Port-Vendres qui, en raison du bruit, entraîne l’impossibilité d’activité la nuit et le week-end.

Port-Vendres.

Port-Vendres.

Les gestionnaires du port avaient, depuis vingt ans, un projet de 3e quai, qui aurait entraîné le comblement de l’anse des Tamarins. L’association Port-Vendres et les Port-Vendrais s’est battue contre ce projet qui aurait détruit cet espace naturel et touristique tout en risquant d’aggraver le problème d’agitation lors des tempêtes : l’anse joue en effet un rôle d’amortisseur.

Ce 3e quai, par ailleurs, n’avait aucune justification économique, les deux quais existants n’étant occupés qu’à 20 % de leur capacité.

En 2010, un référé sollicité par les associations locales auprès du Tribunal administratif bloque le projet. Un jugement du TA sur le fond en 2011 condamne le préfet à annuler son « autorisation sous réserve » du 27/03/2009. En 2012, le Conseil d’État déboute le Conseil général des Pyrénées-Orientales dans sa demande d’annulation de l’ordonnance de référé. Le 3e quai ne verra donc pas le jour.

L’association Port-Vendres et les Port-Vendrais critique par ailleurs le fonctionnement du port : les pouvoirs publics y ont investi 60 M€ en 15 ans alors que la société d’exploitation (CLTM) a un chiffre d’affaires de 4 M€ par an… soit 60 M€ en 15 ans. Cette société, contrairement aux usages, ne participe pas aux investissements portuaires et l’association dénonce le niveau faible du loyer qui lui est demandé.

Le Collectif d’associations de la Côte Vermeille a élaboré fin 2015 une charte-pétition pour l’avenir du port (elle a reçu 600 signatures). Le « plan B », proposé par cette charte, prévoit, sous réserve de validation par une étude économique, de privilégier la grande plaisance et les activités commerciales, artisanales et industrielles associées. L’aménagement des quais existants serait effectué de manière à favoriser cette activité, préserver le trafic fruitier, protéger le port de pêche de l’agitation. Il serait moins coûteux que le projet de 3e quai et serait créateur d’emplois.

L'anse des Tamarins à Port-Vendres.

L’anse des Tamarins à Port-Vendres.

Revenir à la notion de bien public

La gestion des ports régionaux, quelles que soient les collectivités concernées, montre jusqu’ici une absence de vision globale (2), une ignorance des réalités économiques, voire une certaine opacité. On peut s’interroger sur le comportement des élus et leurs motivations : sont-elles commandées par un souci électoraliste, par la croyance qu’il suffit d’investir pour voir s’opérer le développement économique ? On peut s’interroger sur l’utilisation de l’argent public : ne bénéficie-t-il pas trop à des sociétés privées (exploitants, bâtiment-travaux publics, études…) et pas assez à l’intérêt général (dynamisation de l’économie locale, emploi) ?

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Seuls plus de transparence, plus de communication sur les projets et leurs motivations techniques et économiques, un vrai débat avec les citoyens permettraient de lever le doute sur ces interrogations.

La Région, que nous avons contactée (le 11 août) et à qui nous avons posé des questions précises sur les aspects techniques du dossier, ne nous a pas répondu à ce jour.

Ph.C.

1) Le port de Sète est géré par l’EPR (établissement public régional) Port Sud de France-Sète, émanation de la Région ; celui de Port-la-Nouvelle est géré par la CCI de Narbonne/Lézignan/Port-la-Nouvelle par délégation de service public de la Région jusqu’au 31/12/2016.

A Port-Vendres, la situation est plus complexe, avec un propriétaire (l’État), un gestionnaire (le Département des Pyrénées-Orientales), un concessionnaire (la CCI de Perpignan, par délégation de service public du Département) et un exploitant unique, la société de manutention CLTM (Comptoir Languedocien de Transit et de Manutention, dont le dirigeant est Eric Mascle, ancien président de la CCI de Narbonne).

2) La présidente de la Région Occitanie-Pyrénées-Méditerranée, Carole Delga, a annoncé au printemps 2016 un Plan Littoral 21, qui prévoit de « moderniser les infrastructures touristiques et portuaires ». Ce plan sera coordonné par un Comité de pilotage État-Région.

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On peut se procurer l’étude de Jean-Claude Bisconte de Saint-Julien « Les ports de commerce du Languedoc-Roussillon en crise » auprès de l’Association Port-Vendres et les Ports-Vendrais, 11 route de Banyuls 66660 Port-Vendres, moyennant un chèque de 20 €. Tél. 06 09 26 02 26.

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Des précisions de Port Sud de France Sète

Olivier Carmes, directeur de Port Sud de France Sète, nous transmet les précisions suivantes :

. « Ne pas positionner Sète dans la problématique d’ensablement, ce n’est pas le cas. Le Port de Sète a des caractéristiques nautiques exceptionnelles ne nécessitant pas d’opérations de dragage d’entretien importantes. Notre TE admissible est de 13,50 m avec une potentialité sur le quai H en cours de livraison d’un approfondissement d’un mètre soit 14,5 m admissible.

. Les plus gros porte-conteneurs aujourd’hui dans le monde = 20 500 EVP nécessitant un TE admissible de 16 m et non de 24 m ???. Mais ce n’est absolument pas la cible du Port de Sète, le TE de 13,5 m permet d’accueillir des navires de 6 000 EVP ce qui est largement suffisant.

. Entrepôt frigo, vous parlez de 40 M€ d’investissement public. En réalité, l’entrepôt = invest 100 % privé à hauteur de 24 M€. Le Port a en revanche investi dans un portique à hauteur de 8 M€.

. Sète a atteint en 2015 un trafic de 3,8 MT et non 3,4, ce qui correspond à son meilleur niveau d’activité sur les 10 dernières années, + 15 % / à 2014, dans une période de ralentissement économique mondial, c’est une performance.

. Si la Région et PSF ont investi 100 M€ depuis 2008, c’est aussi 100 M€ qui ont été investis par les opérateurs privés et nous travaillons sur quatre nouveaux projets horizon 2019 pour 70 M€ d’investissement privé.

. Les prévisions annoncées dans le projet stratégique du Port de Sète sont ambitieuses en période de crise mais raisonnables : croissance annuelle de 5 % par an pour atteindre 4,6 MT. »

La réponse de J.-C. Bisconte à O. Carmes

« …Les chiffres d’activités sont ceux de 2014 car mon étude a été réalisée en 2015.

Le tirant d’eau Suez max « standard » des Grands et des Très Grands Ports vise des TE de 21/22 m même s’il est vrai que le canal a été recalibré à 24 m. Par ailleurs, cette observation se rapporte au projet TGP de PLN qui est totalement dépassé de ce point de vue alors que certains édiles consulaires prétendent vouloir concurrencer Barcelone et Marseille…

Vous ne le notez pas mais le point essentiel est bien de dénoncer la dispersion des moyens portuaires et de poser la question d’unir les efforts pour que la région occitane ne soit pas la seule sans GPM.

Mes conclusions que vous ne sauriez récuser sont que si un tel port devait exister ce ne pourrait être qu’à Sète, même si des questions comme les aires logistiques handicapent le potentiel du port. Sincèrement. »

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Sète : une lettre ouverte de la Confédération Paysanne à Carole Delga.

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Lire aussi, dans ce blog, « La Nouvelle, port et réserve naturelle, un voisinage à réussir ».

A lire, également dans ce blog, « Port-Vendres, le 3e quai refait surface ».

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Un chalutier rentre au port de La Nouvelle.

Un chalutier rentre au port de La Nouvelle.

Transport ferroviaire : le « tout routier » tue le service public… et la planète

Les cheminots CGT questionnent la politique de transport des Régions, de la SNCF et de l’État. Ils voient le service public ferroviaire grignoté un peu tous les jours par une baisse de moyens, l’ouverture à la concurrence et par un choix du « tout routier » catastrophique sur le plan environnemental.

La régionalisation des TER a été un succès, du fait de la prise en compte des besoins de proximité et d'une offre accrue.

La régionalisation des TER a été un succès, du fait de la prise en compte des besoins de proximité et d’une offre accrue.

Lancée en 2002, la régionalisation des TER (trains express régionaux et bus TER) est un succès, estime Thierry Desbruères, secrétaire général des cheminots CGT du Languedoc-Roussillon. Toutefois, dit la CGT, malgré une hausse notable du trafic (doublement des dessertes TER en Midi-Pyrénées, par exemple), la politique de la direction de la SNCF aboutit à une diminution des emplois (1 100 cheminots en moins en dix ans dans la même région). Et ce syndicat estime que le service public est en danger du fait de la diminution des moyens publics, de la fermeture de lignes, de gares et de guichets, des suppressions d’emploi, des attaques contre le statut des cheminots, de l’ouverture à la concurrence, de la course au « low cost »…

Avec la fusion des Régions, une nouvelle convention TER doit être négociée à partir du 1er janvier 2016, entre la SNCF et la nouvelle Région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon (1), pour entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Les cheminots CGT estiment que c’est l’occasion, pour les usagers et pour les travailleurs du rail, d’exprimer leurs attentes et de peser pour « avoir une convention de haut niveau ».

Dans cet esprit, et dans le contexte des élections régionales, ils tenaient un rassemblement régional le 5 novembre à Narbonne, sur « la place et le rôle du transport ferroviaire dans la nouvelle région ». Ils y avaient invité les candidats aux élections.

Au micro, Thierry Desbruères. A la tribune, de g. à d., Jean-Marc Biau, Gilbert Garrel, Michel Ricci (secrétaire général CGT Midi-Pyrénées) et Frédéric Konefal.

Au micro, Thierry Desbruères. A la tribune, de g. à d., Jean-Marc Biau, Gilbert Garrel, Michel Ricci (secrétaire général CGT Midi-Pyrénées) et Frédéric Konefal.

Lorsque les TER ont été régionalisés, la CGT « s’était battue pour obtenir des garanties pour le service public ». Quelques années après on constate, explique Thierry Desbruères, que la régionalisation des TER est un succès, grâce notamment aux choix des Régions. Les moyens réunis de l’État et des Régions ont permis l’augmentation de l’offre de trains TER, une meilleure qualité des services, l’ouverture de lignes, et un investissement « sans précédent » dans le matériel roulant et dans les gares.

Ce succès, estime Frédéric Konefal, président de la commission économique du comité d’établissement régional Midi-Pyrénées, est lié à une prise de décision près des besoins et à la volonté des Régions : « Partout où l’offre a augmenté, le trafic a suivi. Quand l’offre est là, avec des horaires adaptés, des dessertes régulières, avec plus de trains en heures creuses, de la souplesse, les gens prennent davantage le train. Le choix entre train et voiture se fait en fonction de la souplesse. »

Mais à côté de cela, estime la CGT, l’État et la SNCF mettent à mal chaque jour le service public ; et la réforme du système ferroviaire, effective depuis le 1er juillet 2015, « accentue la dégradation ».

Jean-Marc Biau, président de la commission économique du comité d’établissement régional Languedoc-Roussillon, pointe les importants besoins de modernisation du réseau, la réduction de l’offre et la privatisation du fret. La CGT, les usagers et les élus se sont mobilisés récemment pour demander une modernisation de l’offre Intercités. Mais la SNCF « propose des coupes claires et des transferts massifs vers la route. » Des lignes sont menacées, soit par la concurrence du bus, soit d’être carrément fermées : Toulouse-Cerbère, le Cévenol (2), l’Aubrac (3).

Un train de travaux. L'insuffisance de l'investissement dans la maintenance du réseau est pointée du doigt.

Un train de travaux. L’insuffisance de l’investissement dans la maintenance du réseau est pointée du doigt.

Il y a aussi la ligne Toulouse-Foix-Perpignan par Latour-de-Carol, avec le « Train Jaune » : sans correspondance, à Latour-de-Carol, entre les deux directions ; dans un état avancé de vétusté ; et la SNCF voudrait transférer l’exploitation de cette ligne à une société d’économie mixte, ce qui reviendrait à une privatisation partielle.

A Carcassonne, dit Michel Daydé (secrétaire général des cheminots CGT de ce site), la gare est dans un état déplorable. « Nous nous heurtons depuis deux ans à une absence de dialogue de la Région, qui refuse de nous recevoir. »

Marie-Ange Larruy, adjointe au maire de Limoux, rappelle la nécessité de régénérer la ligne Carcassonne-Quillan.

A Narbonne, la nouvelle organisation de la maintenance réseau soulève de grandes craintes pour la sécurité des usagers et des cheminots, dit Bruno Bréhon (secrétaire local des cheminots CGT) : La direction de la SNCF « s’amuse à supprimer 10 % des effectifs sur le nœud ferroviaire. Nous avons tiré tous les signaux d’alerte, un accident n’est pas à écarter. »

La « casse organisée » du fret

Avec la restriction des moyens, l’ouverture à la concurrence est l’autre grande menace pour le service public. On voit ce qu’elle donne pour le fret, qui est ouvert à la concurrence depuis 2006 (l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs a été repoussée à 2026).

Le fret SNCF a d'abord subi la concurrence de la route avant de subir aussi celle de l'ouverture au privé.

Le fret SNCF a d’abord subi la concurrence de la route avant de subir aussi celle de l’ouverture au privé.

D’abord lié à la concurrence de la route, le déclin du fret ferroviaire date de la fin des années 1980. Il est passé de 60 milliards de t.km (tonnes x kilomètres) en 1980 à 32 milliards de t.km en 2012, tous opérateurs confondus (dont un peu plus de la moitié pour la SNCF).

Et puis « il y a une casse organisée du fret depuis 2002 », dit Jean-Marc Biau. « Des territoires entiers ne sont plus desservis pour le fret », explique Frédéric Konefal. En effet, « le privé ne va pas partout ; il se positionne sur les gros trafics, internationaux d’abord et nationaux ; la SNCF fait pareil, elle a laissé tomber le fret. Dans l’Aveyron et le Tarn, par exemple, il n’y a plus un train de fret. »

Le wagon isolé est de plus en plus délaissé et il est repris par les poids lourds. Pourtant il représentait des volumes importants : « Tous les clients n’ont pas besoin de trains complets, pourtant les petits ruisseaux font de grandes rivières. »

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Le transfert du fret ferroviaire à la route ne profite même pas aux routiers français, souligne Gilbert Garrel, secrétaire général de la Fédération CGT des Cheminots : « l’an dernier, les camions sous pavillon français ont encore diminué de 3 %. On voit de plus en plus de chauffeurs roumains, bulgares, polonais et maintenant indiens. C’est de l’esclavagisme. »

Le choix absurde de la route

« Il faut travailler sur les coûts externes des transports, de manière à ce que le transport soit payé à son juste prix », poursuit Gilbert Garrel. « Ainsi on ne verrait plus des crevettes de Norvège partir en Espagne pour y être emballées et revenir en Norvège. Ou des tee-shirts fabriqués au bout du monde (pour être vendus en Europe). Le transport routier ne paie pas les infrastructures. Ni les autres coûts dont il est responsable : les accidents, les problèmes de santé dus à la pollution, le changement climatique. C’est une concurrence déloyale. »

« Il y a chaque jour de plus en plus de camions sur nos routes : on compte 8 500 poids lourds par jour à la frontière espagnole du Perthus », dit Jean-Marc Biau. « Ce choix du tout routier a une responsabilité importante dans le réchauffement climatique (le transport émet 130 Mt équivalent CO2, soit 33 % du total) et dans la pollution de l’air, qui coûte 101 milliards d’euros par an en France et cause de l’ordre de 45 000 décès prématurés par an. » Ce qui suffirait à justifier un report des transports de la route vers le rail.

Or, dit Philippe Verdeil (Cheminots CGT Toulouse), en France, « le budget des transports va massivement à la route, à 80 % ; à peine 8 à 10 % vont au ferroviaire. »

L’association Les deux lignes, représentée par Serge Laurent, demande la réouverture de toutes les gares entre Lunel et Montpellier (seule Baillargues est bien desservie) au trafic TER : le réseau routier de ce secteur de l’agglomération de Montpellier est en effet saturé (25 000 véhicules par jour entre Castries et Vendargues, saturation du trajet Boisseron-Sommières, de nombreuses autos qui traversent les villages pour éviter les bouchons). Serge Laurent compare les émissions de CO2 de l’automobile (150 g/km) et du train (2 g/km par voyageur) et le coût d’une route à deux fois deux voies (7 M€/km) et du rail (20 M€/km pour la LGV) (4).

Mais autour de Montpellier, le doublement de l’autoroute, actuellement en cours de réalisation, est la seule solution trouvée à l’engorgement. L’État et les collectivités territoriales ont, depuis longtemps, privilégié le secteur privé des travaux publics au détriment du service public ferroviaire. Les transports collectifs ne peuvent pas résoudre tous les besoins de transport mais ils pourraient en assumer une partie bien plus importante qu’actuellement.

L'arrivée en gare de Narbonne.

L’arrivée en gare de Narbonne.

« SNCF : un déficit organisé »

Les cheminots CGT soulignent la relative modicité des besoins de financement du rail. Le Train jaune aurait besoin de 150 M€. Ré-ouvrir Alès-Bessèges, Montréjeau-Luchon, moderniser Carcassonne-Quillan ne demanderait pas des sommes astronomiques.

Il faudrait 2 milliards d’euros pour rénover le réseau français, dit Gilbert Garrel.

Dans le même temps la fraude fiscale s’élève à 1 milliard d’euros par an en Haute-Garonne, selon Bernard Marquier.

Le déficit de la SNCF est « organisé par le gouvernement », poursuit Gilbert Garrel : « Le gouvernement estime que 1,5 milliard d’euros de déficit par an c’est insupportable. Mais quand Manuel Valls passe le seuil du versement transport de 9 à 11 salariés (5), en signant sur le coin de la table, cela coûte 500 M€ au budget. »

Et ce déficit de 1,5 milliard, « c’est le remboursement annuel de la dette que la SNCF paie aux banques parce que, à la demande de l’État, elle s’est endettée pour financer le réseau TGV. Et cette dette fait boule de neige. Si l’État avait financé les LGV, aujourd’hui le budget de la SNCF serait équilibré ».

Il y a encore le versement interstitiel, prévu par la loi du 4 août 2014 de réforme du transport ferroviaire, qui a été supprimé par la loi de finances 2015, à la demande du gouvernement car il était « contraire à la baisse du coût du travail » (6).

Comment va évoluer la situation ? Gilbert Garrel signale une dérive possible de la politique des Régions : « Le service public régional peut se traduire demain par une politique de délégation de service public » (c’est-à-dire de gestion confiée au privé) : « Cela amènerait une balkanisation du territoire national, avec des inégalités entre régions. »

Il note que « tous les partis de gauche n’ont pas voté contre la libéralisation des réseaux ferroviaires européens ».

Les choix qui déterminent la politique des transports ne sont pas neutres. En France, les pouvoirs publics ont clairement pris l’option du libéralisme et de la privatisation rampante, contre le service public. En cela, nos gouvernants ne peuvent se retrancher derrière des décisions européennes ; il montrent eux-mêmes la voie.

Ph.C.

1) La convention Languedoc-Roussillon, qui arrivait à son terme, a été prolongée d’un an et la convention Midi-Pyrénées a été raccourcie d’un an pour que la nouvelle convention puisse prendre le relais à l’échelle de la nouvelle région.

2) Nîmes-Clermont Ferrand par Langogne.

3) Béziers-Clermont Ferrand par Millau et Séverac.

4) Le Journal du net donne les chiffres suivants : 6 M€/km d’autoroute ; 1 M€/km de voie ferrée normale ; 15 à 20 M€/km de ligne grande vitesse.

5) Le versement transport, acquitté par certaines entreprises, est destiné à participer au financement du transport public.

6) La loi du 04/08/2014 prévoyait un possible prélèvement sur les entreprises situées hors périmètre de transport urbain mais desservies par les transports publics. Les Régions avaient la faculté d’y avoir recours pour participer au financement du transport ferroviaire.

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La future grande région

La nouvelle région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon sera la 2e région de France en population, avec plus d’un million d’habitants dans l’agglo de Toulouse et 350 000 dans celle de Montpellier, avec un chapelet de villes moyennes sur le littoral, de Perpignan à Nîmes, et des villes plus petites autour de Toulouse.

Sur le plan ferroviaire, cette région compte 8 400 cheminots, 540 TER, 40 Intercités et 76 TGV, 2 531 km de lignes et 285 points d’arrêt (dont seulement 105 ont encore un guichet de vente).

Le réseau de Midi-Pyrénées est structuré en étoile autour de Toulouse. Cette ville accueille 8 millions de voyageurs par an et le TER compte, dans l’actuelle région, environ 60 % d’abonnés et 40 % de voyageurs privé-loisirs.

En Languedoc-Roussillon, le réseau est plus longiligne. Montpellier accueille 8 millions de voyageurs par an, Nîmes, Sète, Béziers, Narbonne et Perpignan plus d’un million chacune. Le tourisme est plus présent. Le TER compte 40 % d’abonnés et 60 % de voyageurs privé-loisirs.

Alors que Montpellier est à 3 h 25 de Paris par le TGV, et 3 h de Barcelone (avec le chaînon TGV manquant de Montpellier à Perpignan), Toulouse, qui attend le TGV, est à 5 h 40 de Paris, voire 7 h.

La CGT est favorable à une ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse-Narbonne qui serait « le maillon d’une future transversale sud ».

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L’intermodal négligé au profit du tout routier

L’exemple du port de Sète, évoqué par Jean-Luc Baux (UL CGT Sète-Bassin de Thau), montre l’abandon de l’intermodalité. « Le port et le rail ont fait la ville de Sète », dit-il. « Or aujourd’hui « 94 % du fret du port arrive ou repart par camion malgré la mise au gabarit du canal du Rhône à Sète ». Il rappelle que la Région Languedoc-Roussillon s’est vu transférer la compétence de la gestion du port en 2007. Et il cite l’exemple de la cimenterie Lafarge qui, lorsqu’elle s’est installée (2011), « s’est engagée à transporter sa matière première de Port-la-Nouvelle par la mer et de Fos-sur-Mer par le fluvial ; or, aujourd’hui, tout est transporté par camion. L’exécutif régional doit rappeler Lafarge à ses engagements. »

Il poursuit : « Dans les zones logistiques, il faut donner la priorité au rail et au fluvial. Ici, tout a été fait par rapport à la seule autoroute : la zone « hinterland » de Poussan » (projet de la Région d’implanter une zone logistique reliée à l’autoroute) « remettra en cause tout l’équilibre environnemental du Bassin de Thau. »

Pour Christophe Garreta (Cheminots CGT Narbonne), « l’intermodalité des ports se met petit à petit en place, mais avec le réseau ferroviaire privé et un recul aux niveaux social et sécuritaire. »

Bernard Marquier note que, au sud de Toulouse, « Lafarge est desservie par des trains privés tractés au diesel sur des lignes électrifiées, pour passer moins cher que la SNCF. »

« La Région n’a pas à faire le moins disant social », dit encore Jean-Luc Baux, évoquant l’éviction de la société de remorquage (groupe Chambon), « installée sur le port de Sète depuis 113 ans », à qui la Région a retiré son agrément. 13 des 16 salariés ne seraient pas repris par la nouvelle société.

« Il y a, à Sète, des menaces sur le lamanage et sur les dockers ; on va vers le vieux rêve des armateurs, qui est d’avoir des dockers sous pavillons de complaisance.

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Une partie de l'assistance à cette réunion régionale, à la Bourse du Travail de Narbonne.

Une partie de l’assistance à cette réunion régionale, à la Bourse du Travail de Narbonne.

La libéralisation du bus

Il est trop tôt pour connaître les effets de la loi Macron et de la libéralisation du transport longue distance par bus. Mais on peut les imaginer. « On est en train de bouleverser tout l’équilibre », dit Frédéric Konefal. « L’offre de TER et de TET » (trains d’équilibre du territoire, Intercités, Aubrac et autres) « va baisser. Les grands groupes vont se faire concurrence. Je ne sais pas comment ils peuvent proposer des trajets à 5 €, cela ne paie même pas le gazole, c’est une guerre commerciale. La SNCF elle-même, avec sa filiale Ouibus, va baisser les prix ». Puis quand ces entreprises se seront regroupées, on peut s’attendre à un quasi-monopole et à une remontée des prix

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L’éclatement de la SNCF n’est pas inéluctable

La loi du 4 août 2014 a réorganisé la SNCF en trois Epic (établissements publics à caractère industriel et commercial) : SNCF pour le pilotage stratégique ; SNCF Réseau, qui gère le réseau (et qui regroupe les activités jusqu’ici assurées par Réseau Ferré de France, SNCF Infra et la Direction de la voie ferroviaire) ; et SNCF Mobilités, qui assure les activités d’exploitation des services de transport ferroviaire de l’opérateur historique SNCF.

La France est plus libérale que l’Union européenne, souligne la CGT. Selon elle en effet, la directive européenne « gouvernance » du 4e paquet ferroviaire « ne demande pas la séparation totale des entreprises historiques » et permet donc aux États membres, s’ils le souhaitent, d’organiser leurs systèmes ferroviaires nationaux autour d’une entreprise intégrée. Cela « sous réserve d’isoler les fonctions essentielles (attribution et tarification des sillons) ».

Avant la réorganisation, la CGT proposait de conserver l’unité de la SNCF, tout en créant une entreprise indépendante qui se serait limitée à l’égalité d’accès au réseau (attribution des sillons et péages).

Avec la séparation en trois Epic, explique Frédéric Konefal, il y a « une fausse unité ; Réseau et Mobilités sont deux entreprises tout à fait différentes ; de plus, on en est aux prémices mais l’intégration des salariés de RFF va augmenter la part de salariés qui ne sont pas au statut SNCF (depuis quelques années, 30 % des recrutements se font en dehors du statut, au droit privé). »

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La parole aux candidats

La CGT avait invité à cette réunion l’ensemble des listes candidates aux élections régionales. Seules deux listes étaient présentes, la liste « Notre Sud, une région forte, créative et solidaire, liste d’union de la gauche », emmenée par Carole Delga, et la liste « Nouveau monde en commun-écologistes », emmenée par Gérard Onesta.

Carole Delga s’est prononcée pour le service public et a souligné les investissements réalisés par les collectivités locales pour réaménager le réseau. Elle s’est dite favorable à la LGV Bordeaux-Toulouse. Pour Montpellier-Perpignan, « il faut travailler à une augmentation du taux de financement de la Commission européenne sur la base du désenclavement ».

Elle s’est prononcée pour l’intermodalité, notamment autour du port de Sète avec le rail (sans répondre à Jean-Luc Baux – voir ci-dessus), et pour la facilitation du ferroutage.

Carole Delga s’est aussi dite favorable à la taxation des trafics routiers internationaux.

Gérard Onesta, pour sa part, a mis en avant le caractère durable et économique du chemin de fer. Concernant le TGV, il a émis l’idée qu’il fallait « des tronçons totalement LGV, mais, pour des raisons de coût, pas nécessairement partout ».

« Il ne faut pas laisser la main au privé », poursuit-il. « Avec le partenariat public-privé, c’est la puissance publique qui avance les fonds et le privé qui encaisse les bénéfices. Et quand ça ne marche pas pour eux, on le voit avec TP Ferro et le gouffre de la ligne Perpignan-Figueras, ils se retournent vers le contribuable. »

Gérard Onesta regrette par ailleurs que la majorité socialiste des deux Régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ait voté, il y a quatre mois, contre un vœu demandant comme une priorité que, dans le cadre du Contrat de plan État-Région, le trafic ferroviaire des deux régions soit connecté. De même, dit-il, tout récemment, la majorité socialiste du Conseil régional Midi-Pyrénées a voté contre un vœu pour la réouverture de la ligne Montréjeau-Luchon.

Erosion de nos plages : l’Homme face aux « forces de la mer »

L’artificialisation du littoral, plus que le changement climatique ou d’autres facteurs, est la cause principale de la disparition progressive des plages du Languedoc-Roussillon ou d’ailleurs. C’est l’un des points qui ressort de l’intervention de Hugues Heurtefeux, de l’EID Méditerranée (1) le 22 novembre près de Narbonne lors des 2es Rencontres Naturalistes de l’Aude (2).

Le lido languedocien, un milieu fragile. Photos EID.

Le lido languedocien, un milieu fragile. Photos EID.

On cite souvent, comme facteurs d’érosion des plages, le manque d’apports alluviaux, dû aux barrages sur les fleuves et rivières du bassin versant, principalement le Rhône et la Durance. Ou le changement climatique et ses effets sur le niveau de la mer. Mais l’artificialisation semble être la cause principale d’érosion.

Cela parce que, comme souvent, l’Homme a cru pouvoir maîtriser la nature. Or les systèmes sableux, plages et dunes, explique Hugues Heurtefeux, sont des « systèmes fragiles, souvent instables et incertains ». Vouloir tout contrôler en figeant le paysage est donc vain (« c’était le temps de la vision fixiste et linéaire du trait de côte et de l’opposition entre les techniques douces et les techniques dures »).

L’intervenant de l’EID, qui propose de « redonner un espace de liberté à la dune » (c’est le titre de son intervention), explique que, dans le fonctionnement naturel des côtes à lido, la mer a tendance à emporter en hiver le sable des plages et des dunes et à le ramener en été vers la plage, modelant constamment les plages. On a ainsi une « succession d’états d’équilibre instable ».

Variations saisonnières (A, été ; B, hiver). R. Paskoff, 1998.

Variations saisonnières (A, été ; B, hiver). R. Paskoff, 1998.

 

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L’intervention de l’Homme, par l’aménagement de divers ouvrages (digues, enrochements, épis), vient casser cet équilibre instable. Ces ouvrages mis en place selon des « techniques dures », que Hugues Heurtefeux compare à « des forteresses face à la mer », s’avèrent des forteresses bien fragiles, aux effets négatifs.

On constate plusieurs phénomènes comme l’accentuation de l’érosion en aval des ouvrages, l’accentuation de la vitesse du courant à leur extrémité, l’accentuation des phénomènes de réflexion (les vagues, réfléchies plus fortement par les ouvrages, réduisent la reconstruction de la plage), l’affouillement des fonds au pied de ces ouvrages, l’accentuation des courants de retour.

Les techniques dures (ici les épis), au lieu de protéger la plage, accentuent l'érosion. Photo EID.

Les techniques dures (ici les épis), au lieu de protéger la plage, accentuent l’érosion.
Photo EID.

Les ouvrages artificiels, dit l’intervenant, devraient donc être limités aux cas de figure où il convient de « protéger des zones à enjeux où la valeur économique des biens est supérieure à celle des ouvrages nécessaires à leur protection ». A condition aussi d’entretenir ces aménagements, ce qui coûte souvent bien plus cher que leur construction.

Des techniques douces

L’EID propose une alternative, celle des techniques douces qui ont été mises en œuvre notamment pour la reconstitution de la Flèche de la Gracieuse, dans le golfe de Fos (Port-Saint-Louis-du-Rhône). Sur ce site, à partir de 1988, on a mis en place un maillage de lignes de ganivelles (petites haies de piquets) pour favoriser l’accumulation sableuse d’origine éolienne. Avec succès : au bout de cinq ans, la dune s’est fixée et étendue, la végétation s’est développée. « Le trait de côte est toujours mobile mais le réservoir de sable que constitue la dune accompagne sa mobilité de façon à ce que le corps de la flèche sableuse garde une épaisseur suffisante pour continuer à jouer ce rôle de brise-lames naturel protégeant l’entrée du port de Fos-sur-Mer. »

La dune de la Flèche de la Gracieuse en 1998. Photo EID.

La dune de la Flèche de la Gracieuse en 1998. Photo EID.

Ces techniques peuvent être utilisées pour fermer des brèches dans les cordons dunaires, reconstituer les systèmes dunaires côtiers ou encore lutter contre l’ensablement.

Pour assurer leur succès il faut notamment positionner les ouvrages en tenant compte du recul du trait de côte, les entretenir et les protéger, par exemple d’une fréquentation excessive (piétinement).

L’EID travaille aussi sur les techniques de re-végétalisation, pour compléter et pérenniser ces aménagements.

La notion « d’espace de liberté nécessaire à l’expression des processus littoraux » est de plus en plus admise. Elle est mise en œuvre à L’Espiguette (Le Grau-du-Roi) et l’a été, à partir de 2008, de manière importante, sur le lido de Sète à Marseillan (recul de la route côtière, reconstitution du cordon dunaire).

Contre "les forces de la mer", la lutte est inégale. Photo EID.

Contre « les forces de la mer », la lutte est inégale. Photo EID.

Plutôt que de vouloir « lutter contre les forces de la mer » comme le proposait Victor Hugo en 1846 devant la Chambre des Pairs, il semble plus sage et plus efficient d’accepter les fonctionnements naturels et d’adapter nos comportements en tenant compte de leurs lois.

Philippe Cazal

1) Hugues Heurtefeux est responsable du Pôle Littoral à l’EID Méditerranée (Entente Interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen). L’EID, service public, est un outil commun aux conseils généraux des PO, de l’Aude, de l’Hérault, du Gard, des Bouches-du-Rhône et du Var et à la Région Languedoc-Roussillon.

Plus connue par sa mission de démoustication, l’EID a aussi un service d’études et de conseil sur la connaissance et la gestion du littoral (géomorphologie, écologie et gestion des risques).

2) Les 2es Rencontres Naturalistes de l’Aude ont eu lieu le 22 novembre au Domaine du Grand Castélou (Narbonne), propriété du Parc Naturel Régional de la Narbonnaise, à l’initiative de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) Aude et de la Fédération Aude Claire avec l’appui, notamment, du Conseil général de l’Aude et de la Ville de Narbonne.

L’agrandissement du port de La Nouvelle

Lors du débat qui a suivi cette intervention, un participant a évoqué les travaux d’aménagement prévus pour agrandir le port de Port-la-Nouvelle. Travaux dont on peut craindre les effets sur les plages au nord et au sud de la ville.

La Région, maître d’ouvrage de ce projet, s’est voulue rassurante, lors du débat public tenu de décembre 2012 à avril 2013. Elle a déclaré qu’elle ferait en sorte de minimiser les effets du projet sur l’environnement, sans dire toutefois comment elle comptait s’y prendre.

Ph.C.

Un entretien coûteux

Sur les plages entre Le Grau-du-Roi et Les Saintes-Maries-de-la-Mer, 113 ouvrages lourds (type épis ou digues en enrochement) ont été réalisés de 1961 à 1997 (46 dans le Gard, 67 dans les Bouches-du-Rhône).

Leur coût actualisé pour le Gard s’élève à 1,8 M€ d’investissement et 2,9 M€ d’entretien (pour 36 épis). Le coût actualisé pour les ouvrages des Bouches-du-Rhône est de 9,4 M€ en investissement.

Photo EID.

Photo EID.