Grand Narbonne : les transports publics réorganisés

Depuis le 1er septembre, la nouvelle organisation des transports publics du Grand Narbonne est en place. Elle met en avant un réseau élargi, avec des bus plus fréquents, plus rapides et des prix constants. Le service reste assuré par Keolis, dont la délégation de service public (DSP) a été renouvelée pour huit ans.

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Le Grand Narbonne a profité du renouvellement de la DSP des transports publics pour revoir l’offre, en l’adaptant au périmètre actuel de l’agglo, passé en huit ans (la précédente DSP avait été signée en 2008) de 18 communes à 39. C’est ce qu’ont expliqué, le 31 août, les représentants du Grand Narbonne et ceux de Keolis, qui présentaient la nouvelle situation.

La nouvelle offre, disent-ils, issue d’une concertation des élus et des techniciens au sein d’un comité de pilotage, est davantage harmonisée sur l’ensemble du territoire de l’agglo. Elle prend en compte non seulement les scolaires mais aussi les autres usagers, par exemple pour le trajet domicile-travail, avec aussi une desserte permanente des villages, y compris hors périodes de vacances scolaires.

Cette réorganisation permet de proposer des bus plus fréquents, plus directs (avec des trajets plus courts), à des prix pour les usagers inchangés dans l’ensemble.

A Narbonne, les « nouveaux » quartiers sont mieux desservis : Saint-Germain (face à Plaisance), Réveillon, La Coupe, Crabit, avec de nouveaux arrêts et des passages plus fréquents. Certaines lignes sont plus directes et certains temps de parcours réduits (avec suppression de huit arrêts quasiment inutilisés, remplacés par huit arrêts mieux placés).

La navette gratuite au cœur de ville, la Citadine, est maintenue.

Dans les villages, le nombre de trajets a été augmenté vers certaines communes (Ginestacois, canton de Sigean). Sigean devient une plate-forme d’échanges (correspondance pour les communes les plus éloignées de Narbonne), qui permet de raccourcir les temps de parcours.

Globalement, la nouvelle offre comporte « 18 % de kilomètres en plus ». Cela pour une enveloppe (versée par l’Agglo à Keolis) « ayant augmenté dans une proportion moindre » (8 %).

Ce réseau transporte actuellement 5 millions de passagers par an (soit en moyenne 14 000 par jour). L’objectif est une augmentation de la fréquentation de 15 % d’ici 2024.

La communication sur cette offre sera améliorée, avec un site internet plus informatif et le lancement d’une application pour mobiles en 2017.

Quant aux tarifs, le Grand Narbonne « a tenu compte du niveau de vie » de la population de son territoire. Seuls augmentent les tickets à l’unité (1,20 € au lieu de 1 €) et par carnet de dix (9 € au lieu de 7 €), ce qui concerne en fait peu de monde. Par contre, les cartes d’abonnement n’augmentent pas. 20 € par exemple pour l’abonnement mensuel et 120 € pour l’abonnement annuel ; des prix bas si on les compare à la moyenne de 154 autres réseaux (30 € pour l’abonnement mensuel et 300 € pour l’abonnement annuel).

Pour les moins de 26 ans, l’abonnement annuel est à 84 €.

Et les cartes collégiens, dont le prix annuel s’échelonnait de 21 à 84 € selon le transporteur (jusqu’à présent, le territoire de l’agglo était desservi par quatre transporteurs différents), seront progressivement proposées à un tarif unique de 63 € par an.

Les abonnements gratuits sont maintenus pour certains seniors (sous conditions de revenu), les demandeurs d’emploi (avec un revenu ne dépassant pas 90 % du Smic), les personnes justifiant d’un taux d’invalidité d’au moins 80 %, les titulaires du RSA (sous conditions).

Un transport largement à charge de l’Agglo

Avant d’accorder à nouveau une délégation de service public à Keolis, le 30 juin dernier, le conseil communautaire a, selon son président Jacques Bascou, « demandé à un cabinet d’études d’étudier toutes les hypothèses. L’enquête a montré que la DSP est la solution la plus intéressante. C’est leur métier (aux entreprises de transport). Il y a eu un débat avant la décision. »

« Le conseil communautaire du Grand Narbonne », dit le vice-président du Grand Narbonne délégué aux Transports et à l’Intermodalité (par ailleurs maire de Coursan), « a pris en compte beaucoup d’éléments pour se prononcer pour une DSP » (versus Régie publique) : « Les experts disent que la DSP coûte moins cher que la régie. Il peut y avoir DSP avec une SEM (société d’économie mixte), mais c’est compliqué, la SEM se trouvant en concurrence avec le privé, et elle ne fait pas forcément mieux. »

« Il y a aussi l’économie d’échelle, favorable au privé » : quand Keolis achète un bus, il a un rapport de forces supérieur à celui d’une régie. « Pour les réparations, l’ingénierie, le savoir-faire métier, le privé est aussi mieux placé ».

Pour le directeur général France de Keolis, Frédéric Baverez, « l’expérience montre que la DSP coûte moins cher. En France, il existe peu de régies pour les transport publics (19 % des services). »

Quatre sociétés ont postulé pour la DSP lors du premier tour de table : Vectalia, Verdier, Transdev et Keolis. Les deux dernières ont finalement déposé un dossier complet. Keolis a été retenue « pour un meilleur service, la qualité de l’offre réseau et une meilleure utilisation du kilomètre ; avec une amélioration dans un budget contraint », dit Edouard Rocher.

La nouvelle DSP court donc jusqu’en 2024. Il s’agit d’une DSP unique. A cette occasion, le Conseil Départemental a passé le relais de certaines lignes au Grand Narbonne et les transporteurs partenaires, Rubio, Capdeville, ABC Taxis, dont certains avaient des DSP, sont tous devenus sous-traitants de Keolis. La complémentarité de ces entreprises, explique Frédéric Baverez, permet plus de flexibilité, en cas de surcroît d’activités par exemple, ou pour réduire la distance par rapport au dépôt des bus, ou encore en pouvant disposer de véhicules de différentes tailles, selon la demande.

L'inauguration de la nouvelle offre de transport du Grand Narbonne, le 31 août, avec Jacques Bascou, président de l'Agglo, qui tient le ruban ; à sa droite, Frédéric Baverez, PDG de Keolis ; à sa gauche, Edouard Rocher, vice-président de l'Agglo ; 2e à gauche, Didier Mouly, maire de Narbonne.

L’inauguration de la nouvelle offre de transport du Grand Narbonne, le 31 août, avec Jacques Bascou, président de l’Agglo, qui tient le ruban ; à sa droite, Frédéric Baverez, PDG de Keolis ; à sa gauche, Edouard Rocher, vice-président de l’Agglo ; 2e à gauche, Didier Mouly, maire de Narbonne.

Le contrat de la DSP s’élève à 10,1 M€ par an au lieu de 9,3 M€ précédemment. C’est la somme que l’Agglo verse à Keolis, qui encaisse aussi les recettes, soit 1,3 M€ par an (1). On voit donc que les transports publics du Grand Narbonne sont largement supportés par la collectivité, la part acquittée par les usagers étant minime : en moyenne 0,26 € par trajet sur un coût moyen du trajet de 2,28 €. Ce qui illustre la réalité du service rendu au public.

L’autre aspect de la question c’est que le coût pour l’Agglo de ce transport public représente une somme conséquente. Une régie publique permettrait-elle de l’abaisser ? Ce n’est pas l’avis du Grand Narbonne.

Edouard Rocher fait remarquer que le budget transports de l’Agglo (qui est un budget annexe) est équilibré : les dépenses sont celles relatives au paiement de la DSP ; les recettes sont une compensation du Conseil Départemental et le prélèvement transport. Cette taxe transport, qui s’applique aux entreprises de plus de 9 salariés, vient de passer à un seuil de 11 salariés, ce qui engendrera une perte de recettes, à ce jour non évaluée.

Est-il possible de faire mieux ?

Si l’on part du principe qu’il faut renforcer les transports publics dans le Grand Narbonne, cela pour améliorer le service au public et pour lutter contre le réchauffement climatique (en réduisant la circulation automobile), cela pose plusieurs questions : le transport scolaire, qui constitue une part importante du transport public, semble déjà répondre à peu près à ces exigences ; l’empreinte carbone et la consommation de carburant des bus urbains sont plus faibles que celles de la voiture particulière mais les performances du tram sont nettement supérieures : construire un réseau de tram au centre-ville de Narbonne serait-il techniquement réalisable et à quel coût ? Il semble que cette option ne soit pas réaliste, compte-tenu de la configuration urbaine de Narbonne et pour une raison d’échelle (rapport population/investissement) ; la circulation automobile dans Narbonne reste relativement fluide, en comparaison avec Montpellier ou Toulouse, ce qui n’incite pas à prendre les transports en commun (voir ci-dessous la question des couloirs de bus). On peut aussi se demander si le coût de bus plus fréquents en ville serait compensé par une hausse de la fréquentation.

Ph.C.

1) Ce sont les transporteurs, Keolis et les sous-traitants, qui investissent dans le parc de véhicules, avec au total 21 bus urbains et 91 cars.

* * * * *

Christophe Garreta : des interrogations sur la DSP

L’Union locale CGT de Narbonne avait, il y a quelques mois, soulevé la question des transports publics, en faisant notamment venir à Narbonne le président de la Setram (société d’économie mixte des transports en commun du Mans Métropole), Jean-François Soulard. La Setram a une DSP de la métropole.

« Une régie publique ne coûte pas plus cher et rend de meilleurs services aux usagers », dit Christophe Garreta, le secrétaire général de l’UL. « Nous avons beaucoup d’interrogations sur la DSP du Grand Narbonne à Keolis : huit ans, c’est plutôt long ; l’offre, avec de faibles fréquences, ne correspond pas aux attentes et mériterait une mise à plat, il semble que cela n’ait pas été fait ; la part versée à Keolis, qui va à Keolis France, représente beaucoup d’argent public qui serait mieux utilisé dans une régie publique. »

Les couloirs de bus ne sont plus réservés aux bus

Le temps de trajet des bus urbains est réduit lorsque les bus bénéficient de voies de circulation exclusives. A Narbonne, où des couloirs de bus sont en place sur les grands boulevards, la municipalité a supprimé l’exclusivité dont bénéficiaient les bus, permettant désormais aux voitures de les emprunter.

Nous avons demandé à la mairie la raison de cette décision et voici sa réponse :

« Les schémas de mobilité et de déplacements urbains prévoient que les bus et les voitures circulent désormais en espace partagé et non plus réservé, comme cela se pratiquait auparavant, pour optimiser au maximum le trafic sur chacune des voies concernées. »

« A cet égard, un calcul simple permet d’étayer ce principe. Sur les grands boulevards de Narbonne, et selon les comptages réalisés par les services techniques de la Ville, le trafic moyen sur une voie de circulation est de 700 voitures/heure. A raison de deux personnes à bord, quelque 1 400 personnes se déplacent ainsi à l’heure. A bord d’un bus (capacité moyenne de 50 passagers et cadencement d’un bus tous les quarts d’heure), le nombre de personnes transportées est de… 200. »

« Enfin, le retour au double sens de circulation sur certains de ces boulevards, qui a entraîné la suppression de certains couloirs de bus, au début de l’été, répond également à une impérieuse nécessité de fluidification du trafic urbain, fortement perturbé depuis la fermeture, par l’État, du pont de Carcassonne. Les effets positifs de cette décision ont été observés très rapidement, en particulier aux heures de pointe. »

L’usure du macadam

Les désaccords entre le Grand Narbonne et la Ville de Narbonne ne se limitent pas aux couloirs de bus. La Ville a demandé à l’Agglo (le dernier courrier, qui est une relance, date du 29/02/2016) une subvention dont elle fixe le montant à 500 000 € par an pour « participer à l’entretien des chaussées » en raison de l’usure provoquée par les pneus de bus urbains et interurbains.

Le Grand Narbonne a répondu négativement, le 16/03/2016, s’appuyant sur le Code de la voirie routière qui attribue aux communes de façon indissociable à la fois la voirie et la police de la circulation. Et par ailleurs sur le Code des collectivités territoriales, qui dit que ces dépenses font partie des dépenses obligatoires des communes.

Eau/assainissement du Grand Narbonne : trois ans pour faire un choix

La communauté d’agglomération du Grand Narbonne est en pleine réflexion sur la gestion de l’eau et de l’assainissement et le choix du mode de gestion (régie publique, délégation de service public ou système mixte). Gérard Kerfyser, vice-président de l’agglo délégué à la Politique de l’Eau (maire d’Armissan), nous a fait part de l’état de cette réflexion.

Ce volet Grand Narbonne complète notre dossier sur l’eau et l’assainissement «Vers une réappropriation… publique du bien public».

Gérard Kerfyser, vice-président du Grand Narbonne délégué à la politique de l'eau.

Gérard Kerfyser, vice-président du Grand Narbonne délégué à la politique de l’eau.

«Nous sommes dans la même problématique que les agglomérations de Montpellier, Béziers, Carcassonne», dit Gérard Kerfyser, faisant référence à notre dossier. «L’objectif est clair, mais le chemin pour y parvenir est tortueux.»

Il retrace l’historique de l’agglomération du Grand Narbonne, créée le 26 décembre 2012, et de son élargissement progressif pour atteindre aujourd’hui 39 communes. L’état des lieux, au départ, pour la gestion de l’eau et de l’assainissement, est le suivant : 10 communes étaient en délégation de service public (DSP), 7 en régie et 1 (Coursan) en régie pour l’eau et en DSP pour l’assainissement.

L’agglo a pris en charge la régie des 8 communes concernées et, pour cela, a mis en place un Centre technique à Coursan. Il gère les astreintes, les interventions et la partie administrative de la régie.

«On s’est dit : il faut voir comment peser sur le prix de l’eau», explique G. Kerfyser. Pour cela, l’agglo a procédé «de façon empirique», en augmentant le poids de la régie à la faveur de l’élargissement à de nouvelles communes. De 2008 à 2010, les services de l’eau de Marcorignan, Armissan et Névian, qui étaient jusque là en DSP, sont passés à la régie de l’agglo.

«Nous avons mis en concurrence les deux systèmes», poursuit le vice-président du Grand Narbonne : «Cela afin que les délégataires comprennent que nous savions faire en régie, mais aussi pour que la régie soit performante et responsable devant les consommateurs.»

En 2008, l’agglo a commencé à harmoniser le prix de l’eau pour les communes en régie.

Petit à petit, de nouvelles communes sont entrées dans l’agglo. Un deuxième centre technique a été créé en 2011 à Mirepeisset, avec 6 agents techniques et 1 agent administratif. Celui de Coursan compte aujourd’hui 7 agents techniques et 5 agents administratifs,

En 2015, la communauté d’agglomération compte 17 communes en DSP pour l’eau et l’assainissement, 1 en régie pour l’eau et en DSP pour l’assainissement, et 21 en régie pour l’eau et l’assainissement, dont 10 en prestation de service : celle-ci, assurée par Veolia (4 communes), Saur (1) et BRL (5), concerne surtout la gestion des stations d’épuration, ce qui coûte 800 000 € par an à l’agglo.

Notons que si le nombre de communes en régie est majoritaire, ces communes, de petite taille, ne pèsent qu’environ 20 % de la consommation de l’agglomération.

L’harmonisation du prix de l’eau s’est faite progressivement, pour les communes en régie. A ce jour, 15 communes sur 21 sont sur le même prix, qui est de 4,20 €/m³ TTC. Pour les autres communes (certaines en régie, d’autres en DSP), le prix varie de 2,22 € à 5,96 €/m³.

Se faire une opinion à l’occasion de l’arrivée à échéance de contrats

La gestion de la régie de l’eau et de l’assainissement par le Grand Narbonne s’est traduit, pour celui-ci, par des répercussions financières : l’agglo a assumé la poursuite de la gestion communale en terme de remboursement des emprunts, d’harmonisation des amortissements, de régularisations avec l’Agence de l’Eau. «Cela explique que le prix de l’eau est encore élevé», dit G. Kerfyser. L’agglo a dû prendre en charge les réseaux et les stations d’épuration, «qui n’étaient pas toujours dans un état terrible». Elle a créé neuf stations d’épuration (1). «Les petites communes, souvent, avaient peu investi, par manque de moyens ; l’agglo, c’est aussi la solidarité.»

Travaux sur les réseaux. (Photo Grand Narbonne)

Travaux sur les réseaux. (Photo Grand Narbonne)

En dix ans, le Grand Narbonne a investi 86 M€ dans l’eau et l’assainissement, ce qui représente environ la moitié de ses investissements et 55 % de son endettement (2). Le rythme de l’investissement commence à ralentir, à hauteur de 6,7 M€ par an.

La réflexion de l’agglomération, aujourd’hui, arrive à un point important, avec la fin prochaine de certains contrats. Gérard Kerfyser pose le débat : «Les questions que nous nous posons, c’est : quel est le meilleur mode de gestion ? Quelle est la taille critique ? Nous cherchons un modèle pertinent.» Pour cela, l’agglo va confier à un cabinet d’études une étude comparative sur DSP et régie. Parallèlement, ses services techniques sont en train de réaliser une évaluation fine du parc, réseaux et stations d’épuration, et de son état.

Quatre contrats en DSP qui arrivent à échéance, sur deux communes (Sigean et Salles-d’Aude), seront relancés pour une courte durée, trois ans, cela pour se laisser le temps de «se faire une opinion».

Les contrats de neuf autres communes (eau et assainissement) et celui de Coursan (assainissement) arrivent à échéance en 2017-2018. Ceux de Narbonne, Gruissan et Fleury-d’Aude en 2024.

Le moment va donc arriver de choisir une orientation générale. «A ce jour», dit Gérard Kerfyser, «nous ne savons pas si nous allons passer tout en régie, tout en DSP ou quelque chose de mixte. Pour passer en régie, nous n’avons pas aujourd’hui le personnel, en nombre et en qualification. Cela entraînerait donc une explosion des frais de fonctionnement. Il faut voir aussi que le coût de l’eau, en régie, est très variable, selon les investissements, l’état des réseaux, le rendement (aujourd’hui, le taux moyen de pertes est de 25 %).»

«Quand on parle de l’eau, on voit souvent l’eau qui coule au robinet. Il faut s’en faire une image différente. Le consommateur paie l’ensemble du cycle de l’eau, du captage à l’assainissement.»

«Nous réalisons aussi un travail important de sécurisation, qui consiste à pouvoir faire appel à plusieurs ressources sur une même commune, au cas où l’une d’elles serait défaillante. Narbonne dépend du champ captant de Moussoulens (3) ; nous avons sécurisé l’approvisionnement de la ville par l’alimentation à partir de BRL ; nous faisons régulièrement des simulations de crise. Cette sécurisation a un coût. Nous faisons la même chose pour le Sud Minervois.»

(Photo Grand Narbonne)

(Photo Grand Narbonne)

«Le but principal est de maîtriser le prix de l’eau, pour éviter qu’il augmente. Le consommateur a tendance à vouloir que l’eau soit gratuite. On peut aussi se demander si le principe du budget annexe (4) est pertinent : il doit être équilibré en dépenses et recettes, plus les subventions d’investissement, mais l’agglo ne peut pas apporter de subvention d’équilibre. Mais il faut voir que la réglementation peut évoluer. On trouve dans l’eau, par exemple, des traces d’atrazine (5) ; on peut aussi, un jour, nous demander de rechercher les traces de médicaments ; tout cela entraîne des frais. Est-il pertinent que le consommateur prenne tout à sa charge ? De plus, la consommation d’eau est en baisse (d’environ 8 % en 2013) et donc les recettes aussi, alors que les contraintes, pour assurer la qualité de l’eau, sont en hausse. Nous disons nous-mêmes : économisez l’eau ; mais il y a un effet pervers qui est la difficulté à équilibrer le budget.»

«Pour l’instant, nous n’avons pas de modèle assuré, que ce soit pour les grandes villes ou pour les petites», conclut Gérard Kerfyser. «Nous faisons pression sur les industriels. Mais il y a des exemples qui disent que la régie est plus compliquée à gérer, pour une petite ville notamment ; la DSP, cela peut être un service rendu. Il y a plusieurs types de DSP, la gestion, les travaux concessifs… C’est très complexe, il faut bien voir tout cela avant de décider. Dans trois ans, nous aurons notre premier rendez-vous important ; si une solution est avérée, on pourra envisager plus sereinement le choix pour Narbonne.»

On le voit, le Grand Narbonne n’a pas arrêté ses choix en matière de mode de gestion de l’eau et de l’assainissement. La réflexion se poursuit. Gérard Kerfyser, qui se dit «ouvert pour expliquer tout cela aux citoyens», insiste sur la technicité du sujet. L’étude comparative entre les deux systèmes devrait permettre au Grand Narbonne d’avoir des éléments pour se positionner.

Ph.C.

1) Le Grand Narbonne fait valoir qu’autour de l’étang de Bages-Sigean, la plupart des stations ont été renouvelées et que la qualité bactériologique de l’eau s’en ressent.

2) L’endettement du Grand Narbonne, expliquait récemment le président Jacques Bascou, est «tout à fait maîtrisé» : Il s’élève à 113 M€, soit un ratio de 2,8 années de budget, contre 4,5 années pour la moyenne des communautés d’agglomération de la même taille.

3) Sur la commune de Moussan, dans la nappe alluviale du fleuve Aude.

4) Le budget eau et assainissement du Grand Narbonne est d’un peu plus de 20 M€, soit autant que le budget principal (le budget consolidé est de 160 M€).

5) Un insecticide utilisé en viticulture, aujourd’hui interdit.

Photo Jebulon (Wiki Commons), jardins de la Alcazaba, Almeria.

Photo Jebulon (Wiki Commons), jardins de la Alcazaba, Almeria.

La situation en 2015 (1)

Sur les 39 communes de la Communauté d’agglomération du Grand Narbonne, 21, pas les plus peuplées, sont en régie publique à la fois pour l’eau et l’assainissement : Armissan, Bizanet, Bize, Caves, Feuilla, Fraïsse-des-Corbières, Ginestas, Marcorignan, Mirepeisset, Montredon-des-Corbières, Moussan, Névian, Ouveillan, Pouzols, Raissac, Sallèles-d’Aude, Saint-Nazaire, Sainte-Valière, Villedaigne, Vinassan et Mailhac.

Coursan est en régie publique pour l’eau et en DSP (délégation de service public) pour l’assainissement (Veolia).

Les autres communes, 17 au total, sont en DSP pour l’eau et l’assainissement avec Veolia (Argeliers, Fleury, Leucate, Narbonne, Peyriac-de-Mer, Port-la-Nouvelle, Portel, Salles, Sigean, Ventenac-Minervois), BRL (Bages, La Palme, Roquefort, Saint-Marcel, Treilles) et Saur (Cuxac-d’Aude).

Gruissan est en DSP pour l’eau avec BRL et pour l’assainissement avec Veolia.

L’eau provient de multiples captages : puits et forages dans la nappe alluviale de l’Aude (en particulier à Moussoulens), de la Cesse ; forages en milieu karstique (Les Mailloles, à Moussan ; Croix blanche à Montredon) ; eau de l’Orb qui transite par l’usine de traitement de Pech de Labade (Fleury) pour alimenter les communes du littoral (avec projet de raccordement à l’eau du Rhône via le réseau Aqua Domitia ; les travaux devraient démarrer début 2015) ; et plusieurs autres prélèvements…

L’assainissement est assuré par 26 stations d’épuration.

1) Fin 2017, les communes d’Argeliers, Ventenac, Saint-Marcel, Cuxac sont passées en régie. Caves est passée en DSP. Les communes du secteur compris entre Bages et Leucate ont signé une nouvelle DSP jusqu’en 2030 avec BRL pour l’eau et Veolia pour l’assainissement.

* * * *

Une réaction d’Albert Cormary : « un raisonnement très timoré face aux industriels »

Albert Cormary (Sigean) nous fait part de sa réaction à cet article. Il fait notamment référence au passage où Gérard Kerfyser dit « Pour passer en régie, nous n’avons pas aujourd’hui le personnel, en nombre et en qualification. Cela entraînerait donc une explosion des frais de fonctionnement… » :

« Autrement dit, faire face à ses responsabilités, ça coûte. Comme si en face des dépenses, il n’y avait pas de recettes, même si elles sont en baisse !

Je me suis toujours méfié des discours prétendant que la régie était forcément moins chère que la DSP. Tout dépend des niveaux d’investissement, de l’état des réseaux, etc. Le tout est de savoir ce que l’on veut : un service optimisé ou un service a minima. Le premier coûtera toujours plus cher que le second mais en régie il sera forcément moins cher (pas de rémunération de l’actionnariat, maîtrise des coûts annexes).

A vrai dire, j’ai du mal à suivre le raisonnement très timoré de M. Kerfyser devant les industriels de la chose. Sur la question du personnel, la loi est claire, la collectivité est tenue de reprendre celui affecté préalablement au service. Le hic, c’est qu’une situation de rente comme celle de Veolia à Narbonne a suscité des embauches en corollaire aux contrats et il y a des postes non justifiés. De plus, on a vu dans des cas précédents que le délégataire avait tendance à refourguer des salariés dont il voulait se séparer pour cause d’incompatibilité avec le travail.

Pour l’atrazine présente en grande quantité au forage des Mailloles à Moussan, la politique de l’agglo vis-à-vis du public est assez étrange. Les premières analyses étaient alarmistes. Les suivantes, alors que les taux n’avaient pas baissé, tendaient à banaliser la chose. Autrement dit, on tente de faire passer la poussière sous le tapis alors qu’il aurait été préférable d’informer la population et de chercher des solutions. Il en existe qui peuvent être mises en œuvre sur toute l’étendue des périmètres de protection, consistant à faire passer les cultures en bio. C’est courant en Allemagne et a déjà été fait en France. Mais ce serait reconnaître que les viticulteurs ont une responsabilité.

Quant à l’inclusion citoyenne, M. Kerfyser a du chemin à faire. Il a refusé de venir en débattre au Café des Possibles… »

Eau/assainissement en régie publique ?

Vers une réappropriation… publique du bien public

Le Lez à Castelnau. Photo Hugo Soria (Wikicommons). http://commons.wikimedia.org/wiki/GNU_Free_Documentation_License

Le Lez à Castelnau. Photo Hugo Soria (Wikicommons).
http://commons.wikimedia.org/wiki/GNU_Free_Documentation_License

Le captage, le traitement et la distribution de l’eau (brute et potable) ainsi que le traitement des eaux usées (assainissement) sont, en France, largement gérés par les sociétés privées, au premier rang desquelles les multinationales de l’eau Veolia (groupe Veolia Environnement) et Lyonnaise des Eaux (groupe Suez Environnement) ou encore Saur.

Cette gestion par le privé se fait selon la règle de la « délégation de service public » (DSP). La DSP (1) donne lieu à un contrat, de durée variable mais souvent pour de nombreuses années, entre la collectivité territoriale (la gestion de l’eau est aujourd’hui une compétence des communautés d’agglomération et non plus des communes) et une société privée.

En France, à l’instar de Paris notamment, de nombreuses communes reviennent à la régie publique même si la délégation de gestion au privé reste la grande majorité des cas (contrairement aux États-Unis ou à la Suisse, où la gestion de l’eau est – encore – largement publique). On constate en effet, lors d’un retour en régie publique, qu’il est possible d’abaisser le prix de l’eau pour les usagers dans des proportions importantes, de l’ordre de 20 voire 30 ou 40 %.

La régie publique directe présente plusieurs atouts par rapport à la DSP.

Elle est plus économique pour les usagers parce que :

. La régie, contrairement aux sociétés privées, ne fait pas de bénéfices et n’a pas d’actionnaires à rémunérer.

. Elle n’a pas de frais de communication, de prospection, de siège

. Elle ne paie pas les taxes sur les sociétés.

En outre, la régie permet, au plus près du pouvoir de décision des élus, une maîtrise de la politique de l’eau et de l’assainissement, avec – en principe – plus de transparence, avec une meilleure gestion des équipements et installations et une meilleure prise en compte de l’intérêt public et de la préservation des biens publics : ressource en eau, cours d’eau, milieux humides…

L’enjeu économique et l’enjeu environnemental sont importants mais l’enjeu politique n’est pas le moindre : les citoyens souhaitent de plus en plus que l’on décide démocratiquement de l’usage d’un bien public primordial qu’est l’eau plutôt que d’en faire un bien marchand pour le profit des sociétés privées et des intérêts financiers.

Les partisans de la régie publique font aussi valoir que l’eau est, après l’armement et le BTP, le 3e secteur le plus corrompu. « Que font nos gouvernants pour moraliser cela ? », demande le collectif Carpe (Béziers). « Ou trempent-ils aussi dans cette corruption ? Ceci expliquerait cela. »

Dans la série d’articles qui suit, nous faisons le point sur la gestion de l’eau et de l’assainissement dans plusieurs agglomérations de la région Languedoc-Roussillon :

« Communauté d’Agglomération Béziers-Méditerranée : un enjeu politique, économique et environnemental »

« Carcassonne Agglo : changement fin 2017 ? »

« Grand Narbonne : trois ans pour faire un choix »

« Montpellier Agglomération : l’eau en régie mais pas l’assainissement »

Philippe Cazal

1) DSP : la délégation de service public repose sur un ou plusieurs contrats passés par une personne morale de droit public (commune, collectivité territoriale) pour confier la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou plus généralement privé dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation du service. (http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/Delegation-service-public-DSP.htm)

. Voir  sur Rue 89 l’interview de Jean-Luc Touly, président de l’Acme (Assocation pour un contrat mondial de l’eau) (3 min.).

. Et une petite video (4 min.) sur le site d’Attac.

. Sur la proposition du gouvernement concernant la tarification sociale de l’eau, voir le site Pas de roses sans épines !

. Voir l’article (20/05/2015) d’eauxglacées.com sur la bataille juridique et constitutionnelle autour des coupures d’eau : Eaux Glacées

. Le CESE (Conseil économique, social et environnemental) de l’Aude s’est prononcé, en 2014, en faveur d’une gestion de l’eau en régie publique au niveau départemental. Lire le rapport : Saisine-CESE-avril-2014-

 

Béziers Agglo : un enjeu politique, économique et environnemental

Dossier eau et assainissement en régie publique

Les contrats avec les sociétés privées pour la fourniture de l’eau et l’assainissement dans la communauté d’agglomération de Béziers arrivent à échéance au 31/12/2015. Dans cette perspective, l’Agglomération délibérera très prochainement, en février, pour choisir soit le maintien en DSP (délégation de service public aux sociétés fermières), soit le passage en régie publique, soit une solution hybride.

Pour sa part, le collectif Carpe se mobilise pour demander aux élus d’opter pour la régie publique directe, seul moyen selon lui de maîtriser la gestion de l’eau dans l’intérêt des citoyens. Il organise une réunion publique le vendredi 6 février à 18 h 30 à la Mam (Médiathèque André Malraux).

Le chantier de l'extension de la station d'épuration de Béziers-Plaine de Saint-Pierre, en décembre 2014. Photo CABM.

Le chantier de l’extension de la station d’épuration de Béziers-Plaine de Saint-Pierre, en décembre 2014. Photo CABM.

Actuellement, dans la CABM (Communauté d’agglomération Béziers-Méditerranée), l’eau (captage, distribution) et l’assainissement (traitement des eaux usées) sont gérés en délégation de service public, pour certaines communes par le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux (Béziers, Boujan, Corneilhan, Espondeilhan, Lignan, Sérignan, Servian, Valras-Plage), pour d’autres par la Scam (Cers, Sauvian) et Ruas (Bessan).

Dans deux communes seulement, Lieuran et Villeneuve-les-Béziers, eau et assainissement sont gérés en régie publique (par les services de l’agglo).

La gestion publique recouvre des enjeux économiques (prix de l’eau, maîtrise des investissements) et environnementaux (gestion de la ressource d’une part, des effluents d’autre part). Mais l’enjeu politique n’est pas le moindre : les citoyens souhaitent de plus en plus que l’on décide démocratiquement de l’usage d’un bien public primordial qu’est l’eau plutôt que d’en faire un bien marchand pour le profit des multinationales.

Négocier en position de force

A Béziers, un débat est né entre commune et communauté d’agglomération sur l’opportunité de négocier dès à présent avec les sociétés fermières ou d’attendre l’échéance des contrats. Le maire de Béziers, Robert Ménard, a estimé qu’en négociant d’ores-et-déjà il serait possible d’obtenir une baisse du prix de l’eau de 5 % tout de suite (la ville de Béziers est l’une des communes de France où l’eau est la plus chère, à 4,68 €/m³). L’Agglomération, tout en faisant remarquer que la politique de l’eau est une compétence de l’agglo et non des communes, pense au contraire qu’il est plus judicieux de négocier au moment du renouvellement éventuel du contrat. Plusieurs cas montrent d’ailleurs qu’il est possible d’obtenir des rabais de l’ordre de 30 %.

Le collectif Carpe, pour sa part, estime que pour négocier en position de force il faut se préparer bien à l’avance et y compris commencer à organiser la régie publique potentielle.

Carpe (Collectif pour le retour en régie publique de l’eau) est un collectif de citoyens et de mouvements politiques : Attac, Front de Gauche, Parti de Gauche, Ensemble, PCF, EELV.

Pour mettre en évidence le rapport de forces entre collectivités territoriales et sociétés fermières, ce collectif cite l’interview du maire d’Antibes, Jean Leonetti (UMP), dans Midi Libre du 9 décembre (article signé Arnaud Gauthier). A Antibes en effet, la ville a obtenu en 2012, en renégociant son contrat avec la Lyonnaise, une diminution de 43 % du prix de l’eau potable (qui est aujourd’hui l’une des moins chères de France, à 1,50 €/m³).

Rompre un contrat avant son échéance, explique Jean Leonetti, n’est pas possible car les contrats prévoient, dans cette éventualité, des indemnités très importantes. Il faut donc attendre l’échéance pour négocier mais l’important, souligne-t-il, c’est de prendre les choses en main en faisant appel à un bureau d’études et en faisant travailler les services techniques en interne pour effectuer une étude technique et financière. Ce diagnostic précis de la situation permet de connaître l’état des installations et des réseaux, les besoins en investissement et à partir de là de réaliser une simulation du fonctionnement en régie. Ainsi, on connaît le vrai prix de l’eau et, sur ces bases, on peut négocier.

La commune d’Antibes est allée jusqu’à préparer l’organisation pour le passage en régie : « Il ne faut jamais faire de menaces que l’on ne peut pas exécuter », dit Jean Leonetti à Arnaud Gauthier.

L’élu antibois relativise la concurrence entre sociétés d’exploitation : « Quand il y a Veolia sur un territoire, il n’y a pas la Lyonnaise et s’il y a la Lyonnaise, il n’y a pas Veolia. Le seul vrai concurrent, c’est la régie publique. » Il ajoute : « Ce n’est pas parce qu’il y a une seule société présente que l’on doit se laisser imposer un prix. »

Les élus ne sont pas forcément en position de force dans la négociation, en particulier parce qu’ils disposent rarement d’une bonne connaissance des éléments techniques. Les sociétés fermières proposent souvent des aménagements du prix de l’eau dans l’immédiat, tout en incluant dans le contrat des mécanismes qui l’augmenteront plus tard. Ou encore elles se rattrapent en incluant dans le contrat un coût pour le renouvellement des équipements en sachant qu’il sera difficile de contrôler si le renouvellement est fait ou pas. Par ailleurs, le prix de l’eau est souvent la partie émergente de l’iceberg, l’assainissement pouvant être très rentable pour les sociétés.

Autant de raisons, pour Carpe, de renforcer la maîtrise publique, la seule susceptible d’apporter une plus grande transparence.

Décision de la CABM en février

La CABM, sur ce dossier, a mis en place un groupe de travail et a fait appel à un cabinet d’études, Service Public 2000, qui a dessiné plusieurs scénarios : le premier consisterait à regrouper tous les contrats en une seule DSP, donc avec un seul délégataire ; le second diviserait les appels d’offres en trois zones géographiques, pour trois DSP séparées ; avec le troisième scénario, on passerait en régie publique de l’eau, globalement pour l’eau et l’assainissement, mais sur le principe d’une régie avec marchés publics, qui ferait travailler des prestataires de services privés, par appels d’offres.

La restitution du travail de Service Public 2000 devait avoir lieu ce mois-ci, le groupe de travail devant rendre un avis en janvier ou février prochains. Le conseil d’agglomération doit se prononcer sur le choix d’un scénario en février, pour une entrée en application au 1er/01/2017.

Le troisième scénario, celui d’une régie « avec marché public en exploitation globale » semble attirer l’intérêt d’un certain nombre d’élus. Il permettrait de conserver la maîtrise des décisions au niveau de l’agglo tout en commanditant, pour une durée limitée, une partie du travail à des entreprises privées. L’eau (globalement, de l’approvisionnement à l’assainissement) pourrait ainsi passer tout de suite en régie en allant chercher, à travers les marchés publics, une expertise que les services de l’agglo n’ont pas encore ou pas suffisamment. Cette formule, toutefois, n’est pas la régie directe et laisse une large de manœuvre aux sociétés privées.

Carpe estime que la seule formule conforme à l’intérêt public est la régie directe et que si la CABM veut envisager un passage en régie elle doit établir un rapport de forces plus net, notamment en préparant l’organisation de la régie.

Le débat sur le prix de l’eau, estime le collectif, est un faux débat : « C’est de la démagogie pure ». « Le prix de l’eau est certes exorbitant à Béziers ; il faut faire quelque chose. Mais le plus important, c’est de mettre en place une maîtrise publique de l’eau, pour avoir une gestion démocratique. »

Le collectif organise une réunion publique, vendredi 6 février à 18 h 30 à Béziers (Médiathèque André Malraux, Place du Champ de Mars). Il compte y inviter les élus.

Philippe Cazal

Le chantier de l'extension de la station d'épuration. Photo CABM.

Le chantier de l’extension de la station d’épuration. Photo CABM.

Nouvelle station d’épuration et enjeux environnementaux

Le traitement des eaux usées dans l’agglomération de Béziers est réalisé actuellement à travers 9 stations d’épuration, la plus importante étant celle de Béziers-Plaine de Saint-Pierre (en aval de la ville au bord de l’Orb).

Cette station, actuellement en limite de capacité, reçoit les eaux usées de Béziers, Villeneuve-les-Béziers et Sauvian. Elle fait l’objet de travaux d’agrandissement, programmés par la CABM sous la présidence de Raymond Couderc, pour recevoir les eaux usées de Cers, Corneilhan et Lignan ; l’extension devrait être opérationnelle début 2016. D’une capacité de 130 000 équivalents habitants (on compte la population, les entreprises et les services publics) la station passera à une capacité de 219 000 équivalents habitants.

Les travaux sont confiés à la société Degrémont, filiale de Suez Environnement, pour un montant de 24 M€. Ces travaux, explique le site internet de l’agglo, devraient permettre à la nouvelle station d’apporter un meilleur traitement des effluents et de mieux préserver le milieu aquatique de l’Orb ; et la mise en place d’une filière de valorisation des boues « performante et sans nuisances pour les riverains, grâce à une solution thermique ».

Le site de la ville de Béziers parle, pour le traitement des eaux usées, du choix d’une « technique membranaire pour la finition des traitements, qui permet d’aller au-delà des objectifs réglementaires ».

L’important investissement dans cette station pourrait entraîner un coût élevé de l’assainissement dans l’agglomération, que l’on soit en DSP ou en régie publique. Pour le collectif Carpe, la légitimité des choix techniques, avec une concentration du traitement des eaux usées et des rejets pratiquement en un seul lieu, est à discuter. Par exemple, est-il judicieux de construire des kilomètres de canalisations pour raccorder de nouvelles communes à la station ?

La situation actuelle pose des problèmes environnementaux : certains systèmes de relevage des eaux usées sont très anciens et connaissent des dysfonctionnements (avec sortie des effluents vers l’Orb). Une bonne partie du réseau des eaux usées de Béziers est en réseau unique pour les eaux pluviales et les eaux usées. Les eaux de pluie arrivent donc à la station, ce qui, lors des gros orages, ne lui permet pas de fonctionner correctement.

Les méthodes biotechnologiques (à base de microbes), utilisées par la station d’épuration, permettent d’éliminer les pollutions organiques mais pas les produits chimiques, dont l’usage ménager est croissant, ni les pesticides (agricoles). Ces polluants non éliminés se retrouvent dans l’Orb et dans les boues recyclées en épandage agricole.

La station reçoit par ailleurs les eaux usées d’origine industrielle des entreprises (Capiscol, Mercorent…). Le réseau d’égout entre le Capiscol et la station serait fortement corrodé par les acides, d’où des fuites dans la nature.

La nouvelle station et les travaux sur le réseau permettront-ils d’améliorer cette situation ? La concentration du rejet des polluants en aval de Béziers dans l’Orb fait de ce fleuve un égout à ciel ouvert, sans vie aquatique. La modernisation des techniques de traitement suffira-t-elle à résoudre cet important problème ou, au contraire, la concentration des effluents en un seul lieu va-t-elle l’aggraver ?

Ph.C.

Carcassonne Agglo : changement fin 2017 ?

Dossier eau et assainissement en régie publique

Le contrat de DSP de la Lyonnaise des Eaux à Carcassonne arrive à échéance dans deux ans. Quel sera le choix de l’agglo ?

Dans la communauté d’agglomération de Carcassonne, l’eau et l’assainissement sont gérés majoritairement en régie si l’on se fie au nombre de communes (42 pour l’eau, 38 pour l’assainissement), mais c’est la DSP (délégation de service public) qui l’emporte si l’on regarde le nombre d’abonnés, Carcassonne étant en DSP avec la Lyonnaise des Eaux pour l’eau et l’assainissement.

La Lyonnaise gère en DSP 15 autres communes pour l’eau et 14 pour l’assainissement et Veolia 15 pour l’eau et l’assainissement.

5 communes n’ont pas de réseau collectif d’assainissement.

Pour le détail, voir http://www.carcassonne-agglo.fr/IMG/pdf/RPQS_Eau_2013.pdf et http://www.carcassonne-agglo.fr/IMG/pdf/RPQS_Assainissement_2013.pdf

Le lac d'Aude (Les Angles). Photo Chevaux de la Tramontane (Wiki Commons).

Le lac d’Aude (Les Angles). Photo Chevaux de la Tramontane (Wiki Commons).

Pour la communauté d’agglomération de Carcassonne, l’intégration de la compétence eau et assainissement est récente (2009) et le passage, en 2013, de 23 communes à 73 a changé la donne. On se trouve donc dans une période de transition.

De la régie directe à la régie contrôlée

L’agglo a repris en régie la gestion de plusieurs communes rurales, au fur et à mesure de l’arrivée à échéance de contrats de DSP. Une régie toute relative puisque Carcassonne Agglo passe des contrats, par appel d’offres, avec les sociétés privées qui gèrent eau et assainissement en prestation de services (c’est le principe de la « régie contrôlée »). Avec quelle vision à long terme ? Passer plus globalement, sur la plupart ou toutes les communes, en régie directe ? Ou bien au contraire passer complètement en DSP avec une ou plusieurs sociétés fermières ?

Le contrat principal, celui de Carcassonne, arrive à échéance au 31/12/2017 (la Lyonnaise des Eaux est en contrat avec la ville de Carcassonne depuis plus de cinquante ans). Dans cette perspective, l’agglo devrait ouvrir une réflexion début 2015. Cela sans idée préconçue, a dit son président Régis Banquet (La Dépêche du 16/09/2014), et avec trois pistes de réflexion : « la délégation de service public, la régie directe et un système mixte entre les deux. »

Le Collectif carcassonnais pour une gestion publique de l’eau (1) se bat, depuis quelques années, pour le passage en régie. Il avait fait pression pour un référendum d’initiative populaire sur cet important sujet et avait obtenu de Jean-Claude Perez, lors de la campagne des municipales à Carcassonne, un engagement à aller vers une gestion en régie. Le collectif a récemment rencontré (le 18 novembre) le président de Carcassonne Agglo, Régis Banquet, et le vice-président chargé de l’eau, Roland Combettes, pour leur exposer son point de vue.

Les représentants du collectif ont insisté sur la nécessité de ne pas attendre 2017 pour prendre une décision car « une gestion en régie, cela se prépare dans la durée ».

Prendre dès maintenant la bonne direction

Pour ce mouvement, la perte de la notion de régie directe dans un certain nombre de communes, même si elle est temporaire, a un inconvénient : elle entraîne une perte de compétences au niveau des employés communaux. Il vaudrait mieux, dit-il, fédérer toutes les petites régies publiques communales afin de constituer les prémices d’une régie publique au niveau de l’agglo.

Les responsables de Carcassonne Agglo ont mis en évidence, lors de cette entrevue, une difficulté qu’ils rencontrent actuellement avec le mécontentement des usagers au sujet des modalités de paiement. Alors que les usagers pouvaient payer mensuellement, lorsque l’eau était gérée par une société privée sur leur commune, le paiement se fait actuellement une ou deux fois par an. Le blocage viendrait du Trésor Public, selon lequel une mensualisation serait impossible. « La loi permet la mensualisation au Trésor Public », dément Marie Guérard, du collectif, « nous l’avons vérifié ». Et elle pointe la régression des moyens des services de l’État, suite à la RGPP (révision générale des politiques publiques) (voir ci-dessous).

Réduire les moyens de l’État, c’est donner moins de moyens au service public… et donc favoriser le passage en gestion par des sociétés privées, dont l’objectif principal n’est pas le service du public mais la réalisation de bénéfices.

Le collectif note par ailleurs que la Commission consultative des services publics locaux de Carcassonne Agglo, mise en place le 30 avril 2014 conformément à la loi du 12/07/2010, n’a jamais été réunie à ce jour. Il souhaite que cette commission fonctionne ; il souhaite aussi en faire partie.

Carcassonne Agglo a prévu de consulter, à partir de début février 2015, les habitants de toutes les communes de l’agglomération, lors de réunions publiques, pour qu’ils puissent dire « quelle agglo ils veulent ». Le Collectif pour une gestion publique de l’eau entend se mobiliser à cette occasion. Il faut, dit-il, dans l’intérêt des habitants de l’agglo, passer en régie publique directe et il faut s’y préparer dès maintenant.

« Les multinationales de l’eau, » dit le collectif, « se sont bâti un empire à partir des profits de l’eau, en se diversifiant tous azimuts. La gestion en régie, c’est la seule façon de limiter leur emprise sur notre société. »

Ph.C.

1) Le Collectif carcassonnais pour une gestion publique de l’eau est composé d’associations (Attac, Indecosa…), de partis (PC, EELV…), de syndicats (CGT, Confédération Paysanne…) et de citoyens.

Photo Carcassonne Agglo.

Photo Carcassonne Agglo.

 

Cri d’alarme du Collectif Carcassonnais (18 juillet 2015)

Le Collectif Carcassonnais pour une gestion publique de l’eau lance un cri d’alarme sur les dérives de la gestion de l’eau. Pour en savoir plus : site du collectif

La « circulaire de la honte »

La régression des moyens des services de l’État est à l’origine de ce que le collectif appelle « la circulaire de la honte » : un courrier du 3 juin 2013 envoyé par le directeur général des finances publiques (DGFIP) à ses services régionaux et départementaux dont l’objet est la « concertation avec les collectivités locales pour maîtriser l’augmentation des charges de la DGFIP découlant de la ré-internalisation de la gestion de certains services publics locaux ».

Le passage de services publics en régie peut en effet entraîner un accroissement de la charge de travail pour les centres des finances publiques. La DGFIP souhaite que cela ne se traduise pas par un transfert de charges vers l’État et propose donc aux collectivités territoriales, en contrepartie, de lui préparer en quelque sorte le travail.

Elle estime aussi que le coût de recouvrement des redevances, qu’une société privée en DSP fait peser sur les usagers, ne doit pas, lors d’un passage en régie, être transféré à l’État.

La DGFIP conseille à ses représentants locaux de bien faire prendre conscience aux collectivités territoriales des conséquences que représente pour elles un passage en régie, dont certains « coûts cachés ». Le Collectif carcassonnais craint que cette attitude de la DGFIP se traduise par une pression sur les collectivités territoriales pour les amener à rejeter le choix de la régie.

Au sujet de cette circulaire, le syndicat Solidaires Finances (http://www.solidairesfinances.fr/useruploads/files/130704_CTM_27_juin.pdf) estime que « les périmètres ministériels ne résultent jamais du hasard mais sont le reflet d’une vision de l’État dans une période donnée. (…) Aujourd’hui, continuer à réduire (l)es effectifs et (l)es moyens (du ministère de l’Économie et des Finances), continuer à « rationaliser ses organisations », c’est décider de minimiser la portée de ses activités, c’est faire le choix de sacrifier ses missions sur l’autel de la prétendue compétitivité et de la bien réelle austérité et pérenniser le désengagement de l’État dont les premières victimes sont les habitants de ce pays. »

Montpellier Agglomération : l’eau en régie mais pas l’assainissement

Dossier Eau et assainissement en régie publique

Avec le changement de conseil d’agglomération, suite aux dernières élections, la politique de Montpellier Agglomération en matière de gestion de l’eau et de l’assainissement a changé. L’eau va passer en régie publique… mais pas l’assainissement. René Revol explique pourquoi.

Le Lez en amont du Pont de la Concorde (entre Montpellier et Castelnau). Photo Sebjarod (Wikicommons)

Le Lez en amont du Pont de la Concorde (entre Montpellier et Castelnau).
Photo Sebjarod (Wikicommons)

Il a fallu les élections municipales et communautaires en mars 2014 pour que Montpellier Agglomération change de vision en matière de politique de l’eau.

Auparavant, les associations locales, regroupées au sein du collectif Eau Secours 34 (1), ont durement bataillé pour se faire entendre auprès des élus de l’agglo, en vain.

Montpellier Agglomération avait refusé d’expliquer ses choix pour la DSP (délégation de service public) et avait préféré organiser, début 2013, une pseudo-consultation publique, avec un panel de 25 usagers cooptés, plutôt que d’écouter les arguments des associations citoyennes.

Un semblant de débat public avait ensuite eu lieu le 25 juillet 2013, avec un minimum de publicité et donc un public assez réduit, filtré en outre par des vigiles qui avaient empêché des membres du collectif d’entrer.

Aux élections municipales, le candidat Philippe Saurel (sans étiquette), qui parmi ses promesses de campagne avait évoqué le passage en régie publique, a été élu à la mairie de Montpellier. Il a ensuite été élu à la présidence de Montpellier Agglomération. Peu après, René Revol, maire de Grabels (membre du Front de Gauche), qui siégeait déjà à l’ancien conseil d’agglomération et qui s’était battu pour la régie publique, a été élu vice-président du nouveau conseil d’agglomération, président délégué de la commission Eau et Milieux aquatiques.

Dans cette logique, Montpellier Agglomération votait, le 7 mai 2014, le passage de la gestion de l’eau en régie publique, à partir du 1er/01/2016, un an après la fin du contrat de DSP.

Cette régie devrait être une « régie à personnalité morale et autonomie financière », ce qui permet la présence au conseil d’administration de 50 % d’élus représentants des usagers et des salariés. Une orientation qui convient à Eau Secours 34.

Un Comité de suivi de mise en œuvre de la régie publique de l’eau a été constitué en mai. Il regroupe des élus, des associations, des organisations syndicales et des experts.

L’assainissement en DSP pour 7 ans

Ce processus de passage en régie n’est toutefois pas complet : mi-octobre 2014, suite à un appel d’offres, le conseil d’agglomération votait une délégation de service public pour sept ans à Veolia pour l’assainissement concernant le secteur de la station d’épuration Maera (que Veolia gérait déjà) ainsi que pour les réseaux amenant les effluents à Maera. Les secteurs Est et Ouest de l’agglo sont octroyés en DSP à Alteau.

Montpellier Agglomération ne remplit donc sa promesse qu’à moitié. Pourquoi ?

Eau Secours 34 est par ailleurs opposé au projet de site de potabilisation de l’eau du Rhône de Valedeau, dont le budget est estimé à 75 M€. Selon le collectif, une étude du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) préconise plutôt de mieux exploiter l’eau du Lez, de continuer à inciter les économies d’eau (déjà réelles avec une baisse de la consommation) et à lutter contre les fuites. Ce qui éviterait une dépense importante pour la collectivité.

René Revol, vice-président de Montpellier Agglomération, président délégué de la commission Eau et Milieux Aquatiques, nous a répondu au téléphone, le 22 décembre, sur ces deux points : voir ci-dessous.

Philippe Cazal

1) Eau Secours 34 est membre de la CRAUE, Coordination Rhône-Méditerranée des Associations des Usagers de l’Eau.

 

Le Comité citoyen de suivi de la mise en œuvre de la régie publique, installé le 25 juin 2014. Photo Montpellier Agglo.

Le Comité citoyen de suivi de la mise en œuvre de la régie publique, installé le 25 juin 2014.
Photo Montpellier Agglo.

René Revol : « Passer en régie publique, ça ne tombe pas du ciel »

. L’eau sera gérée par Montpellier Agglomération en régie publique à partir du 1er/01/2016. Pourquoi pas dès la fin du contrat, au 1er/01/2015 ?

. René Revol, président délégué de la commission Eau et Milieux aquatiques de Montpellier Agglomération : « Nous sommes arrivés à l’agglo en avril (2014), avec une DSP en cours de renouvellement. Nous avions 18 mois, légalement, pour passer en régie. On bat des records : nous avons obtenu de négocier un avenant d’un an maximum qui fait que le délégataire assure le service jusqu’au 31/12/2015. Le préfet a validé, le 7 octobre, cet avenant. Le 30 octobre, le conseil d’agglomération a déclaré sans suite la DSP pour motif d’intérêt général : aucune jurisprudence ne met en cause ce type de décision. Aujourd’hui, nous sommes passés à la phase de préparation de la régie : nous avons recruté un directeur, une directrice administrative et financière, un directeur des ressources humaines. Au premier trimestre 2015 nous allons préparer les statuts, négocier le transfert du personnel, régler les questions de patrimoine.

Cette régie de l’eau devrait être (ce sera décidé en février), une régie avec personnalité morale (1), c’est la tendance dominante actuellement. »

René Revol (à g.) et Philippe Saurel, président de Montpellier Agglo, le 28 août 2014, lors de l'inauguration de la nouvelle canalisation d'assainissement à Grabels. Photo Montpellier Agglo

René Revol (à g.) et Philippe Saurel, président de Montpellier Agglo, le 28 août 2014, lors de l’inauguration de la nouvelle canalisation d’assainissement à Grabels. Photo Montpellier Agglo

. Pourquoi l’agglomération a-t-elle conservé la DSP pour l’assainissement ?

. René Revol : « Après réflexion, nous avons déduit que nous n’avions pas la force de faire passer en régie les deux, eau et assainissement, à la fois.

Nous avons négocié, cet été, la DSP en trois marchés, pour 7 ans : d’une part, le secteur Est et Ouest de l’agglomération, qui recouvre 18 communes sur 31, sur des bassins versants plus petits et nombreux, avec 13 stations d’épuration ; cela demande un travail très local, dans la dentelle. Nous avons constaté que la société Alteau, qui n’avait concouru que pour ce marché, était, pour cela, la plus pertinente en qualité et en prix. Nous l’avons retenue.

Deuxième et troisième DSP, celle du réseau d’assainissement en collecte qui débouche à la station Maera ; et celle de la station elle-même, qui est le plus gros morceau de l’assainissement (elle reçoit les effluents de 80 % de la population de l’agglomération). Cette distinction avait été faite par l’équipe précédente à l’agglo.

Nous avons retenu Veolia pour ces deux DSP parce que Veolia présentait une offre beaucoup plus pertinente sur les odeurs et qu’elle investira 10 M€ sur la période de la DSP, investissement qui reviendra à l’agglo en fin de contrat, sans pénalités.

En outre, l’agglo pourra investir 70 M€ dans trois à quatre ans pour l’optimisation de Maera, ce qui réglera définitivement l’optimisation de la station sans que le débit des rejets soit augmenté. La capacité d’absorption et de traitement de la station en seront accrus.

Veolia proposait quatre à cinq fois plus de capteurs d’odeurs que les autres candidats, avec un contrôle par l’agglo et des pénalités financières s’ils ne respectent pas ce qui est prévu.

Question prix, il y avait très peu de différence sur le lot Maera entre les trois compétiteurs, la Nantaise des Eaux, Suez et Veolia. Sur le réseau de collecte, il y en avait un peu plus, Saur étant moins cher. Au cours de la négociation nous avons constaté un déficit qualitatif (avec un taux de curage insuffisant), plus de précision du curage chez Veolia et une mesure directe de l’encrassement.

L’offre Saur présentait par ailleurs une offre financière pas bien stabilisée, qui amenait à avoir des doutes.

Enfin, Veolia remet la totalité du système d’information à l’agglomération dans trois ans. »

. Cette DSP de sept ans se fait-elle dans l’esprit de passer en régie en 2021 ?

. René Revol : « C’est mon vœu. Si les gens qui dirigeront l’agglomération-métropole en 2021 souhaitent passer en régie publique ils n’auront aucun obstacle, aucune pénalité. Et nous détenons le système d’information. Le contrôle de la clientèle nous l’aurons puisque nous aurons la facturation de l’eau à travers la régie de l’eau. »

. Sept ans c’est long. Un contrat de DSP plus court n’était-il pas possible ?

. René Revol : « Le précédent contrat avait une durée de 25 ans ! Il est assez rare de voir des DSP de moins de 7 ans et dans ce cas le prestataire offre la gestion sans envisager d’investissements.

Le règlement de la DSP nous interdisait de reporter le contrat ; nous avons été obligés de prendre le règlement de nos prédécesseurs.

Et puis, avec le passage de l’eau en régie nous avons un défi à relever. Ce passage se fait en très peu de temps ; Paris, par exemple, a mis six ans pour passer en régie publique. Il faut transférer le personnel, vérifier le réseau, choisir le statut, se préparer juridiquement notamment pour avoir la capacité à passer des marchés ; ça ne tombe pas du ciel.

L’eau c’est assez stratégique ; techniquement, c’est plus facile que l’assainissement où il y a des métiers industriels que la collectivité ne connaît pas. Nous allons d’abord réussir la régie publique de l’eau, nous allons montrer que ce n’est pas simplement une position idéologique, que le service public peut être moderne, dynamique et utile.

Le 1er janvier 2016 nous allons pouvoir baisser le prix de l’eau, dans des proportions raisonnables pour conserver une capacité d’investissement. »

. Le projet de l’usine de potabilisation de Valedeau serait-il un investissement cohérent ?

. René Revol : « Valedeau, c’est une hypothèse de sécurisation de la ressource dans le schéma directeur 2013. L’étude Agglo-BRGM, sur la ressource karstique du Lez, a été rendue publique le 18 décembre. Elle dit que l’on pourrait augmenter le prélèvement à la source du Lez sans diminuer son débit de renouvellement naturel, même avec l’option du réchauffement climatique. C’est une option à privilégier, par rapport au recours à l’eau du Rhône.

Mais le 26 juin, nous étions près de la cote minimale du Lez et nous avons basculé à l’eau du Rhône pendant deux mois. Pour le moment cela fonctionne comme ça, il n’y a pas besoin d’usine supplémentaire et c’est un sujet où il faut y regarder à deux fois. »

Propos recueillis par Ph.C.

1) L’agglomération, plutôt que de gérer directement un service public, peut créer une régie à personnalité morale et autonomie financière à cet effet. Notamment pour apprécier la qualité du service dispensé et son coût. Cette régie a alors son propre conseil d’administration et fonctionne de façon autonome, tout en dépendant directement de la communauté d’agglomération.

Audit 2013 : la DSP contraire à l’intérêt public

Le 10 avril 2013, la société d’études Service Public 2000 avait présenté les résultats de l’audit technique et financier que Montpellier Agglomération lui avait commandé, conformément à la loi. Thierry Ruf, élu de Jacou siégeant au conseil d’agglomération, avait, sur le site d’Eau Secours 34, commenté les grandes conclusions de ce rapport.

Cet audit met alors en évidence d’une part le mauvais état du réseau de distribution d’eau potable, dû à des taux de réparation des fuites et de renouvellement des réseaux très insuffisants. On a donc un réseau vieillissant et mal entretenu. « Ce n’est pas ce qu’on attend d’une entreprise délégataire de service », dit Thierry Ruf.

Deuxième constat, un « escamotage des comptes d’exploitation » :

Avec une « surfacturation du service par le délégataire » : le délégataire présente dans les comptes une dépense de 14 M€ pour l’eau potable par an alors que l’auditeur l’estime à 11 M€, soit 3 M€ de trop.

Avec par ailleurs le remboursement en 25 ans du droit d’entrée : le délégataire avait versé, en 1989, 250 MF de droit d’entrée, qu’il a récupéré à hauteur de 4 M€ de remboursement par an jusqu’en 2011, soit un remboursement global de 100 M€, équivalant à 670 MF : c’est, commente, Thierry Ruf, un taux d’intérêt très important pour ce droit d’entrée qui revient à un prêt à la ville de Montpellier (l’agglomération est née en 2001), remboursé par les usagers de l’eau.

Si l’on additionne les 3 M€ de surfacturation, les 4 M€ de remboursement du droit d’entrée et le 1 M€ de marge annuelle déclaré par les comptes, le délégataire réalise en fait, à l’époque de l’audit, 8 M€ de marge et non 1 M€ comme annoncé.

Il faut ajouter à cela 2 M€ de taxe d’occupation du domaine public, là encore payée par les usagers de l’eau et non par l’entreprise.

Conclusion, estime Thierry Ruf, on a une société privée qui prend le marché public de l’eau en 1989, et qui rend 25 ans après un réseau dégradé, par manque d’investissements, tout en ayant encaissé l’argent des usagers. C’est environ un tiers de la facture aux usagers qui aurait dû servir à ces investissements et qui a en fait été compris dans le bénéfice du délégataire.

Ph.C.